Aller au contenu

Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/350

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui expient très durement la satisfaction qu’ils ont tant de peine à se procurer.

Ce qui, malgré toute l’étrangeté de son objet et de son but, fait de l’activité perverse une activité incontestablement sexuelle, c’est que l’acte de la satisfaction sexuelle comporte le plus souvent un orgasme complet et une émission de sperme. Ceci n’est naturellement que le cas de personnes adultes ; chez l’enfant l’orgasme et l’émission de sperme ne sont pas toujours possibles ; ils sont remplacés par des phénomènes auxquels on ne peut pas toujours attribuer avec certitude un caractère sexuel.

Pour compléter ce que j’ai dit concernant l’importance des perversions sexuelles, je tiens encore à ajouter ceci. Malgré tout le discrédit qui s’attache à elles, malgré l’abîme par lequel on veut les séparer de l’activité sexuelle normale, on n’en est pas moins obligé de s’incliner devant l’observation qui nous montre la vie sexuelle normale entachée de tel ou tel autre trait pervers. Déjà le baiser peut être qualifié d’acte pervers, car il consiste dans l’union de deux zones buccales érogènes, à la place de deux organes sexuels opposés. Et, cependant, personne ne le repousse comme pervers ; on le tolère, au contraire, sur la scène comme une expression voilée de l’acte sexuel. Le baiser notamment, lorsqu’il est tellement intense qu’il est accompagné, ce qui arrive encore assez fréquemment, d’orgasme et d’émission de sperme, se transforme facilement et totalement en un acte pervers. Il est d’ailleurs facile de constater que fouiller des yeux et palper l’objet constitue pour certains une condition indispensable de la jouissance sexuelle, tandis que d’autres, lorsqu’ils sont à l’apogée de l’excitation sexuelle, vont jusqu’à pincer et à mordre leur partenaire et que chez l’amoureux en général l’excitation la plus forte n’est pas toujours provoquée par les organes génitaux, mais par une autre région quelconque du corps de l’objet. Et nous pourrions multiplier ces constatations à l’infini. Il serait absurde d’exclure de la catégorie des normaux et de considérer comme perverses les personnes présentant ces penchants isolés. On reconnaît plutôt avec une netteté de plus en plus grande que le caractère essentiel des perversions consiste, non en ce qu’elles dépassent le but sexuel ou qu’elles remplacent les