Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/362

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que ce sont des enfantillages en comparaison des exploits d’Œdipe, mais cela suffit en tant que faits et cela représente ces exploits en germe. On se trouve souvent dérouté par le fait que le même enfant fait preuve, dans d’autres occasions, d’une grande tendresse à l’égard du père ; mais ces attitudes sentimentales opposées ou plutôt ambivalentes qui, chez l’adulte, entreraient fatalement en conflit, se concilient fort bien, et pendant longtemps, chez l’enfant, comme elles vivent ensuite côte à côte, et d’une façon durable, dans l’inconscient. On dirait peut-être que l’attitude du petit garçon s’explique par des motifs égoïstes et n’autorise nullement l’hypothèse d’un complexe érotique. C’est la mère qui veille à tous les besoins de l’enfant, lequel a d’ailleurs tout intérêt à ce que nulle autre personne ne s’en occupe. Ceci est certainement vrai, mais on s’aperçoit aussitôt que dans cette situation, comme dans beaucoup d’autres analogues, l’intérêt égoïste ne constitue que le point d’attache de la tendance érotique. Lorsque l’enfant manifeste à l’égard de la mère une curiosité sexuelle peu dissimulée, lorsqu’il insiste pour dormir la nuit à ses côtés, lorsqu’il veut à tout prix assister à sa toilette et use même de moyens de séduction qui n’échappent pas à la mère, laquelle en parle en riant, la nature érotique de l’attachement à la mère paraît hors de doute. Il ne faut pas oublier que la mère entoure des mêmes soins sa petite fille sans provoquer le même effet, et que le père rivalise souvent avec elle d’attentions pour le petit garçon, sans réussir à acquérir aux yeux de celui-ci la même importance. Bref, il n’est pas d’argument critique à l’aide duquel on puisse éliminer de la situation la préférence sexuelle. Au point de vue de l’intérêt égoïste, il ne serait même pas intelligent de la part du petit garçon de ne s’attacher qu’à une seule personne, c’est-à-dire à la mère, alors qu’il pourrait facilement en avoir deux à sa dévotion : la mère et le père.

Vous remarquerez que je n’ai exposé que l’attitude du petit garçon à l’égard du père et de la mère. Celle de la petite fille est, sauf certaines modifications nécessaires, tout à fait identique. La tendre affection pour le père, le besoin d’écarter la mère dont la présence est considérée comme gênante, une coquetterie qui met déjà en