Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/364

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situations d’une hostile rivalité qui jouent un si grand rôle dans la vie ultérieure. La petite fille substitue son frère plus âgé à son père qui ne lui témoigne plus la même tendresse que jadis, ou bien elle substitue sa plus jeune sœur à l’enfant qu’elle avait en vain souhaité du père.

Tels sont les faits, et je pourrais en citer beaucoup d’autres analogues, que révèlent l’observation directe des enfants et l’interprétation impartiale de leurs souvenirs qui ressortent avec une grande netteté, sans avoir été en quoi que ce soit influencés par l’analyse. De ces faits, vous tirerez, entre autres, la conclusion que la place occupée par un enfant dans une famille composée de plusieurs enfants a une grande importance pour la conformation de sa vie ultérieure, et il devrait en être tenu compte dans toute biographie. Mais, et ceci est beaucoup plus important, en présence de ces explications qu’on obtient sans peine et sans effort, vous ne pourrez pas vous rappeler sans en rire tous les efforts que la science a faits pour rendre compte de la prohibition de l’inceste. Ne nous a-t-on pas dit que la vie en commun remontant à l’enfance est de nature à détourner l’attraction sexuelle de l’enfant des membres de sa famille du sexe opposé ; ou que la tendance biologique à éviter les croisements consanguins trouve son complément psychique dans l’horreur innée de l’inceste ? En disant cela, on oubliait seulement que si la tentation incestueuse trouvait vraiment dans la nature des barrières sûres et infranchissables, il n’y aurait eu nul besoin de la prohiber par des lois implacables et par les mœurs. C’est le contraire qui est vrai. Le premier objet sur lequel se concentre le désir sexuel de l’homme est de nature incestueuse — la mère ou la sœur —, et c’est seulement à force de prohibitions de la plus grande sévérité qu’on réussit à réprimer ce penchant infantile. Chez les primitifs encore existants, chez les peuples sauvages, les prohibitions d’inceste sont encore plus sévères que chez nous, et Th. Reik a montré, dans un travail brillant, que les rites de la puberté, qui existent chez les sauvages et qui représentent une résurrection, ont pour but de rompre le lien incestueux qui rattache le garçon à la mère et d’opérer sa conciliation avec le père.