Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/376

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sexuelle, ayant renoncé au plaisir partiel ou à celui que procure l’acte de la procréation, l’a remplacé par un autre but présentant avec le premier des rapports génétiques, mais qui a cessé d’être sexuel pour devenir social. Nous donnons à ce processus le mot de « sublimation », et ce faisant nous nous rangeons à l’opinion générale qui accorde une valeur plus grande aux buts sociaux qu’aux buts sexuels, lesquels sont, au fond, des buts égoïstes. La sublimation n’est d’ailleurs qu’un cas spécial du rattachement de tendances sexuelles à d’autres, non sexuelles. Nous aurons encore à en parler dans une autre occasion.

Vous êtes sans doute tentés de croire que, grâce à tous ces moyens permettant de supporter la privation, celle-ci perd toute son importance. Il n’en est pas ainsi, et la privation garde toute sa force pathogène. Les moyens qu’on lui oppose sont généralement insuffisants. Le degré d’insatisfaction de la libido, que l’homme moyen peut supporter, est limité. La plasticité et la mobilité de la libido sont loin d’être complètes chez tous les hommes, et la sublimation ne peut supprimer qu’une partie de la libido, sans parler du fait que beaucoup d’hommes ne possèdent la faculté de sublimer que dans une mesure très restreinte. La principale des restrictions est celle qui porte sur la mobilité de la libido, ce qui a pour effet de ne faire dépendre la satisfaction de l’individu que d’un très petit l’ombre d’objets à atteindre et de buts à réaliser. Souvenez-vous seulement qu’un développement incomplet de la libido comporte des fixations nombreuses et variées de la libido à des phases antérieures de l’organisation et à des objets antérieurs, phases et objets qui le plus souvent ne sont plus capables de procurer une satisfaction réelle. Vous reconnaîtrez alors que la fixation de la libido constitue, après la privation, le plus puissant facteur étiologique des névroses. Nous pouvons exprimer ce fait par une abréviation schématique, en disant que la fixation de la libido constitue, dans l’étiologie des névroses, le facteur prédisposant, interne, et la privation le facteur accidentel, extérieur.

Je saisis ici l’occasion pour vous engager à vous abstenir de prendre parti dans une discussion tout à fait superflue.