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Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/377

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On aime beaucoup, dans le monde scientifique, s’emparer d’une partie de la vérité, proclamer cette partie comme étant toute la vérité et contester ensuite, en sa faveur, tout le reste qui n’est cependant pas moins vrai. C’est à la faveur de ce procédé que plusieurs courants se sont détachés du mouvement psychanalytique, les uns ne reconnaissant que les tendances égoïstes et niant les tendances sexuelles, les autres ne tenant compte que de l’influence exercée par les tâches qu’impose la vie réelle et négligeant complètement celle qu’exerce le passé individuel, etc. On peut de même opposer l’une à l’autre la fixation et la privation et soulever une controverse en demandant : les névroses sont-elles des maladies exogènes ou endogènes, sont-elles la conséquence nécessaire d’une certaine constitution ou le produit de certaines actions nocives (traumatiques) ? Et, plus spécialement, sont-elles provoquées par la fixation de la libido (et autres particularités de la constitution sexuelle) ou par la pression qu’exerce la privation ? À tout prendre, ce dilemme ne me paraît pas moins déplacé que cet autre que je pourrais vous poser : l’enfant naît-il parce qu’il a été procréé par le père ou parce qu’il a été conçu par la mère ? Les deux conditions sont également indispensables, me direz-vous, et avec raison, Les choses se présentent, sinon tout à fait de même, du moins d’une façon analogue dans l’étiologie des névroses, Au point de vue de l’étiologie, les affections névrotiques peuvent être rangées dans une série dans laquelle les deux facteurs : constitution sexuelle et influences extérieures ou, si l’on préfère, fixation de la libido et privation, sont représentés de telle sorte que la part de l’un des facteurs croît lorsque celle de l’autre diminue. À l’un des bouts de cette série se trouvent les cas extrêmes dont vous pouvez dire avec certitude : étant donné le développement anormal de leur libido, ces hommes seraient tombés malades, quels que fussent les événements extérieurs de leur vie, celle-ci fût-elle aussi exempte d’accidents que possible. À l’autre bout se trouvent les cas dont vous pouvez dire au contraire que ces malades auraient certainement échappé, à la névrose s’ils ne s’étaient pas trouvés dans telle ou telle situation. Dans les cas intermédiaires on se trouve en présence de combinaisons