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Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/383

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est pas moins vrai que tout n’a pas été dit sur cette question. À ce que nous avons dit, nous aurons encore à ajouter quelque chose de nouveau et nous aurons aussi à soumettre à une analyse plus approfondie des choses déjà connues.

Pour vous montrer l’influence qu’exerce le développement du moi sur la naissance du conflit, et par conséquent sur la détermination des névroses, je vous citerai un exemple qui, bien qu’imaginaire, n’a absolument rien d’invraisemblable. Cet exemple m’est inspiré par le titre d’un vaudeville de Nestroy : « Au rez-de-chaussée et au premier. » Au rez-de-chaussée habite le portier ; au premier le propriétaire de la maison, un homme riche et estimé. L’un et l’autre ont des enfants, et nous supposerons que la fillette du propriétaire a toutes les facilités de jouer, en dehors de toute surveillance, avec l’enfant du prolétaire. Il peut arriver alors que les jeux des enfants prennent un caractère indécent, c’est-à-dire sexuel, qu’ils jouent « au papa » et « à la maman », qu’ils cherchent chacun à voir les parties intimes du corps et à irriter les organes génitaux de l’autre. La fillette du propriétaire qui, malgré ses cinq ou six ans, a pu avoir l’occasion de faire certaines observations concernant la sexualité des adultes, peut bien jouer en cette occasion le rôle de séductrice. Alors même qu’ils ne durent pas longtemps, ces « jeux » suffisent à activer chez les deux enfants certaines tendances sexuelles qui, après la cessation de ces jeux, se manifestent pendant quelques années par la masturbation. Voilà ce qu’il y aura de commun aux deux enfants ; mais le résultat final différera de l’un à l’autre. La fillette du portier se livrera à la masturbation à peu près jusqu’à l’apparition des menstrues, y renoncera ensuite sans difficulté, prendra quelques années plus tard un amant, aura peut-être un enfant, embrassera telle ou telle carrière, deviendra peut-être une artiste en vogue et finira en aristocrate. Il se peut qu’elle ait une destinée moins brillante, mais toujours est-il qu’elle vivra le reste de sa vie sans se ressentir de l’exercice précoce de sa sexualité, exempte de névrose. Il en sera autrement de la fillette du propriétaire. De bonne heure, encore enfant, elle éprouvera le sentiment d’avoir fait quelque chose de mauvais, renoncera sans