Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/384

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tarder, mais à la suite d’une lutte terrible, à la satisfaction masturbatrice, mais n’en gardera pas moins un souvenir et une impression déprimants. Lorsque, devenue jeune fille, elle se trouvera dans le cas d’apprendre des faits relatifs aux rapports sexuels, elle s’en détournera avec une aversion inexpliquée et préférera rester ignorante. Il est possible qu’elle subisse alors de nouveau la pression irrésistible de la tendance à la masturbation, sans avoir le courage de s’en plaindre. Lorsqu’elle aura atteint l’âge où les jeunes filles commencent à songer au mariage, elle deviendra la proie de la névrose, à la suite de laquelle elle éprouvera une profonde déception relativement au mariage et envisagera la vie sous les couleurs les plus sombres. Si l’on réussit par l’analyse à décomposer cette névrose, on constatera que cette jeune fille bien élevée, intelligente, idéaliste, a complètement refoulé ses tendances sexuelles, mais que celles-ci, dont elle n’a aucune conscience, se rattachent aux misérables jeux auxquels elle s’était livrée avec son amie d’enfance.

La différence qui existe entre ces deux destinées, malgré l’identité des événements initiaux, tient à ce que le moi de l’une de nos protagonistes a subi un développement que l’autre n’a pas connu. À la fille du portier l’activité sexuelle s’était présentée plus tard sous un aspect aussi naturel, aussi exempt de toute arrière-pensée que dans son enfance. La fille du propriétaire avait subi l’influence de l’éducation et de ses exigences. Avec les suggestions qu’elle a reçues de son éducation, elle s’était formé de la pureté et de la chasteté de la femme un idéal incompatible avec l’activité sexuelle ; sa formation intellectuelle avait affaibli son intérêt pour le rôle qu’elle était appelée à jouer en tant que femme. C’est à la suite de ce développement moral et intellectuel supérieur à celui de son amie qu’elle s’était trouvée en conflit avec les exigences de sa sexualité.

Je veux encore insister aujourd’hui sur un autre point concernant le développement du moi, et cela à cause de certaines perspectives, assez vastes, qu’il nous ouvre, et aussi parce que les conclusions que nous avons tirer à cette occasion seront de nature à justifier la séparation tranchée, mais dont l’évidence ne saute pas aux yeux, que