Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/385

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nous postulons entre les tendances du moi et les tendances sexuelles. Pour formuler un jugement sur ces deux développements, nous devons admettre une prémisse dont il n’a pas été suffisamment tenu compte jusqu’à présent. Les deux développements, celui de la libido et celui du moi, ne sont au fond que des legs, des répétitions abrégées du développement que l’humanité entière a parcouru à partir de ses origines et qui s’étend sur une longue durée. En ce qui concerne le développement de la libido, on lui reconnaît volontiers cette origine phylogénique. Rappelez-vous seulement que chez certains animaux l’appareil génital présente des rapports intime avec la bouche, que chez d’autres il est inséparable de l’appareil d’excrétion et que chez d’autres encore il se rattache aux organes servant au mouvement, toutes choses dont vous trouverez un intéressant exposé dans le précieux livre de W. Bölsche. On observe, pour ainsi dire, chez les animaux toutes les variétés de perversion et d’organisation sexuelle à l’état figé. Or, chez l’homme le point de vue phylogénique se trouve en partie masqué par cette circonstance que les particularités qui, au fond, sont héritées, n’en sont pas moins acquises à nouveau au cours du développement individuel, pour la raison probablement que les conditions, qui ont imposé jadis l’acquisition d’une particularité donnée, persistent toujours et continuent d’exercer leur action sur tous les individus qui se succèdent. Je pourrais dire que ces conditions, de créatrices qu’elles furent jadis, sont devenues provocatrices. Il est en outre incontestable que la marche du développement prédéterminé peut être troublée et modifiée chez chaque individu par des influences extérieures récentes. Quant à la force qui a imposé à l’humanité ce développement et dont l’action continue à s’exercer dans la même direction, nous la connaissons : c’est encore la privation imposée par la réalité ou, pour l’appeler de son vrai grand nom, la nécessité qui découle de la vie [mot grec dans le texte]. Les névrotiques sont ceux chez lesquels cette rigueur a provoqué des effets désastreux, mais quelle que soit l’éducation qu’on a reçue, on est exposé au même risque. En proclamant que la nécessité vitale constitue le moteur du développement, nous ne diminuons d’ailleurs en rien l’importance des « tendances