Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/416

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procure l’état morbide, renforcera en même temps la résistance par le refoulement et aggravera les difficultés thérapeutiques. À l’avantage que procure l’état morbide et qui naît pour ainsi dire avec le symptôme, il faut en ajouter un autre qui se manifeste plus tard. Lorsqu’une organisation psychique telle que la maladie a duré depuis un certain temps, elle finit par se comporter comme une entité indépendante ; elle manifeste une sorte d’instinct de la conservation, il se forme un modus vivendi entre elle et les autres sections de la vie psychique, même celles qui, au fond, lui sont hostiles, et il est rare qu’elle ne trouve pas l’occasion de se rendre de nouveau utile, acquérant ainsi une sorte de fonction secondaire faite pour prolonger et consolider son existence. Prenons, au lieu d’un exemple tiré de la pathologie, un cas emprunté à la vie de tous les jours. Un brave ouvrier qui gagne sa vie par son travail, devient infirme à la suite d’un accident professionnel. Incapable désormais de travailler, il se voit allouer dans la suite une petite rente et apprend en outre à utiliser son infirmité pour se livrer à la mendicité. Son existence actuelle, aggravée, a pour base le fait même qui a brisé sa première existence. En le débarrassant de son infirmité, vous lui ôteriez tout d’abord ses moyens de subsistance, car il y aurait alors à se demander s’il est encore capable de reprendre son ancien travail. Ce qui, dans la névrose, correspond à cette utilisation secondaire de la maladie, petit être considéré comme un avantage secondaire venant se surajouter au primaire.

Je dois vous dire d’une façon générale que, sans sous-estimer l’importance pratique de l’avantage procuré par l’état morbide, on ne doit pas s’en laisser imposer au point de vue théorique. Abstraction faite des exceptions reconnues plus haut, cet avantage fait penser aux exemples d’ « intelligence des animaux » qu’Oberländer avait illustrés dans les Fliegende Blätter. Un Arabe monte à dos de chameau un sentier étroit taillé dans une montagne abrupte. À un détour du sentier, il se trouve tout à coup en présence d’un lion prêt à sauter sur lui. Pas d’issue : d’un côté la montagne presque verticale, de l’autre un abîme ; impossible de rebrousser chemin et de fuir ; l’Arabe se voit perdu. Tel n’est pas l’avis du chameau.