Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/430

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et est associée à certains objets ou situations. C’est l’angoisse qui caractérise les si nombreuses et souvent si singulières « phobies ». L’éminent psychologue américain Stanley Hall s’est un jour donné la peine de nous présenter toute une série de ces phobies sous de pimpants noms grecs. Cela ressemble à l’énumération des dix plaies d’Égypte, avec cette différence que les phobies sont beaucoup plus nombreuses. Écoutez tout ce qui peut devenir objet ou contenu d’une phobie : obscurité, air libre, espaces découverts, chats, araignées, chenilles, serpents, souris, orage, pointes aiguës, sang, espaces clos, foules humaines, solitude, traversée de ponts, voyage sur mer ou en chemin de fer, etc., etc. Le premier essai d’orientation dans ce chaos laisse entrevoir la possibilité de distinguer trois groupes. Quelques-uns de ces objets ou situations redoutés ont quelque chose de sinistre, même pour nous autres normaux auxquels ils rappellent un danger ; c’est pourquoi ces phobies ne nous paraissent pas incompréhensibles, bien que nous leur trouvions une intensité exagérée. C’est ainsi que la plupart d’entre nous éprouvent un sentiment de répulsion à la vue d’un serpent. On peut même dire que la phobie des serpents est une phobie répandue dans l’humanité entière, et Ch. Darwin a décrit d’une façon impressionnante l’angoisse qu’il avait éprouvée à la vue d’un serpent qui se dirigeait sur lui bien qu’il en fût protégé par un épais disque de verre Dans un deuxième groupe nous rangeons les cas où il existe bien un rapport avec un danger, mais un danger que nous avons l’habitude de négliger et de ne pas faire entrer dans nos calculs. Nous savons que le voyage en chemin de fer comporte un risque d’accident de plus que si nous restons chez nous, à savoir le danger d’une collision ; nous savons également qu’un bateau peut couler et que nous pouvons ainsi mourir noyés, et cependant nous voyageons en chemin de fer et en bateau sans angoisse, sans penser à ces dangers. Il est également certain qu’on serait précipité à l’eau si le pont s’écroulait au moment où on le franchit, mais cela arrive si rarement qu’on ne tient aucun compte de ce danger possible. La solitude, à son tour, présente certains dangers et nous l’évitons dans certaines circonstances ; mais il ne s’ensuit pas que nous