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Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/466

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à même de nous rendre compte de sa force. Nous ne pouvons d’ailleurs rien y changer ; pour nous aussi elle reste comme quelque chose de donné, comme une force qui oppose des limites à nos efforts. Vient ensuite l’influence des événements de la première enfance auxquels nous avons l’habitude d’accorder la première place dans l’analyse ; ils appartiennent au passé et nous ne sommes pas à même de nous comporter comme s’ils n’avaient pas existé. Nous avons enfin tout ce que nous avons réuni sous la dénomination générique de « renoncement réel », tous ces malheurs de la vie qui imposent le renoncement à l’amour, qui engendrent la misère, les discordes familiales, les mariages mal assortis, sans parler des conditions sociales défavorables et de la rigueur des exigences morales dont nous subissons la pression. Sans doute, ce sont là autant de voies ouvertes à l’intervention thérapeutique efficace, mais dans le genre de celle que, d’après la légende viennoise, aurait exercée l’empereur Joseph : intervention bienfaisante d’un puissant, dont la volonté fait plier tous les hommes et fait disparaître toutes les difficultés. Mais qui sommes-nous pour introduire une pareille bienfaisance dans notre arsenal thérapeutique ? Nous-mêmes pauvres et socialement impuissants, obligés de tirer notre subsistance de l’exercice de notre profession, nous ne pouvons même pas donner gratuitement nos soins aux malades peu fortunés, alors que d’autres médecins employant d’autres méthodes de traitement sont à même de leur accorder cette faveur. C’est que notre thérapeutique est une thérapeutique de longue haleine, une thérapeutique dont les effets sont excessivement lents à se produire. Il se peut qu’en passant en revue tous les facteurs que j’ai énumérés, votre attention soit plus particulièrement attirée par l’un d’eux et que vous le jugiez susceptible de servir de point d’application à notre influence thérapeutique. Si la limitation morale imposée par la société est responsable de la privation dont souffre le malade, le traitement, penserez-vous, pourra l’encourager ou l’inciter directement à s’élever au-dessus de cette limitation, à se procurer satisfaction et santé moyennant le refus de se conformer à un idéal auquel la société accorde une grande valeur, mais dont on s’inspire si rarement. Cela