Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/468

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conflit ne peut aboutir à une solution. Les adversaires ne se trouvent pas plus face à face que l’ours blanc et la baleine dans l’exemple que vous connaissez tous. Une vraie solution ne peut intervenir que lorsque les deux se retrouvent sur le même terrain. Et je crois que la seule tâche de la thérapeutique consiste à rendre cette rencontre possible.

Je puis vous assurer en outre que vous êtes mal informes, si vous croyez que conseiller et guider dans les circonstances de la vie fait partie de l’influence psychanalytique. Au contraire, nous repoussons autant que possible ce rôle de mentor et n’avons qu’un désir, celui de voir le malade prendre lui-même ses décisions. C’est pourquoi nous exigeons qu’il diffère jusqu’à la fin du traitement toute décision importante concernant le choix d’une carrière, une entreprise commerciale, la conclusion d’un mariage ou le divorce. Convenez que ce n’est pas du tout ce que vous aviez pensé ! C’est seulement lorsque nous nous trouvons en présence de personnes très jeunes, sans défense et sans consistance que, loin d’imposer cette limitation, nous associons au rôle du médecin celui de l’éducateur. Mais alors, conscients de notre responsabilité, nous agissons avec toutes les précautions nécessaires.

Mais de l’énergie que je mets à me défendre contre le reproche de vouloir, par le traitement psychanalytique, pousser le nerveux à vivre jusqu’au bout sa vie sexuelle, vous auriez tort de conclure que notre influence s’exerce au profit de la morale sociale. Cette intention ne nous est pas moins étrangère que la première. Il est vrai que nous sommes, non des réformateurs, mais des observateurs ; nous ne pouvons cependant nous empêcher d’observer d’un œil critique : aussi avons-nous trouvé impossible de prendre la défense de la morale sexuelle conventionnelle, d’approuver la manière dont la société cherche à résoudre en pratique le problème de la vie sexuelle. Nous pouvons dire sans façon à la société que ce qu’elle appelle sa morale coûte plus de sacrifices qu’elle n’en vaut et que ses procédés manquent aussi bien de sincérité que de sagesse. Nous ne nous faisons pas faute de formuler nos critiques devant les patients, nous les habituons à réfléchir sans préjugés aux faits