Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/482

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aussi important n’ait jamais été aperçu ni apprécié à sa valeur. Aussi, n’avait-il pas échappé à quelques observateurs perspicaces. C’est ainsi que Bernheim avait fait preuve d’une pénétration particulière en fondant la théorie des phénomènes hypnotiques sur la proposition que tous les hommes sont, dans une certaine mesure, « suggestibles ». Sa « suggestibilité » n’est autre chose que la tendance au transfert, conçue d’une façon un peu étroite, c’est-à-dire à l’exclusion du transfert négatif. Bernheim n’a cependant jamais pu dire ce qu’est la suggestion à proprement parler et comment elle se produit. Elle était pour lui un fait fondamental dont il n’était pas besoin d’expliquer les origines. Il n’a pas vu le lien de dépendance qui existe entre la « suggestibilité » d’un côté, la sexualité, l’activité de la libido de l’autre. Et nous devons nous rendre compte que si nous avons, dans notre technique, abandonné l’hypnose, ce fut pour découvrir à nouveau la suggestion sous la forme du transfert.

Mais ici je m’arrête et vous laisse la parole. Je m’aperçois qu’une objection s’impose à vos esprits avec une force telle qu’elle vous rendrait incapables de suivre la suite de mon exposé si on ne lui donnait pas la liberté de s’exprimer. « Vous finissez donc par convenir, me dites-vous, que vous travaillez avec l’aide de la suggestion, tout comme les partisans de l’hypnose. Nous nous en doutions depuis longtemps. À quoi vous servent alors l’évocation des souvenirs du passé, la découverte de l’inconscient, l’interprétation et la retraduction des déformations, toute cette dépense énorme de fatigue, de temps et d’argent, si la suggestion est le seul facteur efficace ? Pourquoi ne suggérez-vous pas directement contre les symptômes, à l’exemple des autres, des honnêtes hypnotiseurs ? Et puis, si voulant vous excuser d’avoir pris un si long détour, vous alléguez les nombreuses et importantes découvertes psychologiques que vous auriez faites et que la suggestion directe ne réussit pas à révéler, qui nous garantit la certitude de ces découvertes ? Ne seraient-elles pas, elles aussi, un effet de la suggestion, et notamment de la suggestion non intentionnelle ? Ne pouvez-vous pas, même avec votre méthode, imposer au malade ce que vous voulez et ce qui vous parait juste ? »