Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/483

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Ce que vous me dites là est excessivement intéressant et exige une réponse. Mais cette réponse, je ne puis vous la donner aujourd’hui, car le temps me manque. Je me contenterai de terminer ce par quoi j’avais commencé. Je vous avais notamment promis de vous faire comprendre, avec l’aide du fait du transfert, pourquoi nos efforts thérapeutiques échouent dans les névroses narcissiques.

Je le ferai en peu de mots et vous verrez que la solution de l’énigme est des plus simples et s’harmonise avec tout le reste. L’observation montre que les malades atteints de névrose narcissique ne possèdent pas la faculté du transfert ou n’en présentent que des restes insignifiants. Ils repoussent le médecin, non avec hostilité, mais avec indifférence. C’est pourquoi Ils ne sont pas accessibles à son influence ; tout ce qu’il dit les laisse froids, ne les impressionne en aucune façon ; aussi ce mécanisme de la guérison, si efficace chez les autres et qui consiste à ranimer le conflit pathogène et à surmonter la résistance opposée par le refoulement, ne se laisse-t-il pas établir chez eux. Ils restent ce qu’ils sont. Ils ont déjà fait de leur propre initiative des tentatives de redressement de la situation, mais ces tentatives n’ont abouti qu’à des effets pathologiques. Nous ne pouvons rien y changer.

Nous fondant sur les données cliniques que nous ont fournies ces malades, nous avons affirmé que chez eux la libido a dû se détacher des objets et se transformer en libido du moi. Nous avons cru pouvoir, par ce caractère, différencier cette névrose du premier groupe de névroses (hystérie, névroses d’angoisse et obsessionnelle). Or, la façon dont elle se comporte lors de l’essai thérapeutique confirme notre manière de voir. Ne présentant pas le phénomène du transfert, les malades en question échappent à nos efforts et ne peuvent être guéris par les moyens dont nous disposons.