Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/84

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insignifiants, ceux qui ne nous apprennent rien de particulier sur des processus psychiques cachés, ont cependant des raisons qu’il n’est pas difficile se saisir. Lorsque, par suite d’un trouble quelconque, survenu au moment de la prononciation d’un mot donné, quelqu’un émet brièvement une voyelle longue, il ne manque pas d’allonger la voyelle brève qui vient immédiatement après, commettant ainsi un nouveau lapsus destiné à compenser le premier. Il en est de même, lorsque quelqu’un prononce improprement ou négligemment une voyelle double ; il cherche à se corriger en prononçant la voyelle double suivante de façon à rappeler la prononciation exacte de la première : on dirait que la personne qui parle tient à montrer à son auditeur qu’elle connaît sa langue maternelle et ne se désintéresse pas de la prononciation correcte. La deuxième déformation, qu’on peut appeler compensatrice, a précisément pour but d’attirer l’attention de l’auditeur sur la première et de lui montrer qu’on s’en est aperçu soi-même. Les lapsus les plus simples, les plus fréquents et les plus insignifiants consistent en contractions et anticipations qui se manifestent dans des parties peu apparentes du discours. Dans une phrase un peu longue, par exemple, on commet le lapsus consistant à prononcer par anticipation le dernier mot de ce qu’on veut dire. Ceci donne l’impression d’une certaine impatience d’en finir avec la phrase, on atteste en général une certaine répugnance à communiquer cette phrase ou tout simplement à parler. Nous arrivons ainsi aux cas limites où les différences entre la conception psychanalytique du lapsus et sa conception physiologique ordinaire s’effacent. Nous prétendons qu’il existe dans ces cas une tendance qui trouble l’intention devant s’exprimer dans le discours ; mais cette tendance nous annonce seulement son existence, et non le but qu’elle poursuit elle-même. Le trouble qu’elle provoque suit certaines influences tonales ou affinités associatives et peut être conçu comme servant à détourner l’attention de ce qu’on veut dire. Mais ni ce trouble de l’attention, ni ces affinités associatives ne suffisent à caractériser la nature même du processus. L’un et l’autre n’en témoignent pas moins de l’existence d’une intention perturbatrice, sans que nous puissions nous former une idée de