Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/85

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sa nature d’après ses effets, comme nous le pouvons dans les cas plus accentués.

Les erreurs d’écriture que j’aborde maintenant ressemblent tellement au lapsus de la parole qu’elles ne peuvent nous fournir aucun nouveau point de vue. Essayons tout de même de glaner un peu dans ce domaine. Les fautes, les contractions, le tracé anticipé de mots devant venir plus tard, et surtout de mots devant venir en dernier lieu, tous ces accidents attestent manifestement qu’on n’a pas grande envie d’écrire et qu’on est impatient d’en finir ; des effets plus prononcés des erreurs d’écriture laissent reconnaître la nature et l’intention de la tendance perturbatrice. On sait en général, lorsqu’on trouve un lapsus calami dans une lettre, que la personne qui a écrit n’était pas tout à fait dans son état normal ; mais on ne peut pas toujours établir ce qui lui est arrivé. Les erreurs d’écriture sont aussi rarement remarquées par leurs auteurs que les lapsus de la parole. Nous signalons l’intéressante observation suivante : il y a des gens qui ont l’habitude de relire, avant d’expédier, les lettres qu’ils ont écrites. D’autres n’ont pas cette habitude, mais lorsqu’ils le font une fois par hasard, ils ont toujours l’occasion de trouver et de corriger une erreur frappante. Comment expliquer ce fait ? On dirait que ces gens savent cependant qu’ils ont commis un lapsus en écrivant. Devons-nous l’admettre réellement ?

À l’importance pratique des lapsus calami se rattache un intéressant problème. Vous vous rappelez sans doute le cas de l’assassin H… qui, se faisant passer pour un bactériologiste, savait se procurer dans les instituts scientifiques des cultures de microbes pathogènes excessivement dangereux et utilisait ces cultures pour supprimer par cette méthode ultra-moderne des personnes qui lui tenaient de près. Un jour cet homme adressa à la direction d’un de ces instituts une lettre dans laquelle il se plaignait de l’inefficacité des cultures qui lui ont été envoyées, mais il commit une erreur en écrivant, de sorte qu’à la place des mots « dans mes essais sur des souris ou des cobayes », on pouvait lire distinctement : « dans mes essais sur des hommes ». Cette erreur frappa d’ailleurs les médecins de l’Institut en question qui, autant que je sache, n’en ont tiré aucune conclusion. Croyez-