Page:Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne, trad. Jankélévitch, 1922.djvu/134

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cet héritage, mais qu’elle y songe plus particulièrement dans sa situation actuelle, très gênée au point de vue financier.

« C’est ainsi qu’elle a tout de suite pensé à son oncle et à sa mort, lorsqu’une de ses amies lui a prédit, il y a quelques jours, d’après les cartes, qu’elle aurait bientôt beaucoup d’argent. L’idée lui vint aussitôt que l’oncle était le seul de qui elle et ses enfants pouvaient recevoir de l’argent ; et elle se rappela instantanément au cours de cette scène que déjà la femme de cet oncle avait promis de laisser quelque chose à ses enfants ; mais elle est morte, sans laisser de testament, et il est possible qu’elle ait chargé son mari de faire le nécessaire.

« Le souhait de voir l’oncle mourir a dû avoir chez elle une grande intensité lorsqu’elle dit à l’amie qui lui tirait les cartes : « Vous êtes capable de pousser les gens au meurtre. »

« Pendant les quatre ou cinq jours qui se sont écoulés entre la prédiction et le jour de naissance de l’oncle, elle a cherché dans les journaux paraissant dans la ville où réside ce dernier, un avis faisant part de sa mort.

« Rien d’étonnant qu’en présence de cet intense souhait de mort, le fait et la date du jour de naissance de l’oncle ont subi un refoulement tellement fort que la dame a non seulement oublié un geste qu’elle accomplissait régulièrement depuis des années, mais encore n’a pas été mise en éveil par la question de mon collègue.

« Le douze réprimé s’est frayé la voie à la faveur du lapsus « douze doigts » et a ainsi contribué à déterminer l’acte manqué.

« Je dis contribué, car la bizarre association évoquée par le mot « doigts » nous laisse soupçonner d’autres motifs encore ; elle nous explique aussi pourquoi le chiffre douze était venu fausser la phrase si inoffensive dans laquelle il devait être question de dix doigts.