Page:Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne, trad. Jankélévitch, 1922.djvu/228

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conseil de revision il avait été déclaré inapte à cause de ses varices, ce dont il était très honteux. Il rentra chez lui, joua avec le revolver, sans avoir la moindre intention de se faire du mal ; le malheur est arrivé accidentellement. Je lui demandai s’il était en général content de son sort, à quoi il me répondit avec un soupir et me raconta son histoire amoureuse : il aimait une jeune fille qui l’aimait à son tour, ce qui ne l’avait pas empêchée de le quitter ; elle partit pour l’Amérique, uniquement pour gagner de l’argent. Il voulut la suivre, mais ses parents s’y opposèrent. Son amie était partie le 20 Janvier 1907, donc deux mois avant l’accident. Malgré tous ces détails, qui étaient cependant de nature à le mettre en éveil, le malade persista à parler d’ « accident ». Mais je suis, quant à moi, fermement convaincu que son oubli de s’assurer si l’arme était chargée, ainsi que la mutilation qu’il s’est infligée involontairement ont été déterminés par des causes psychiques. Il était encore sous l’influence déprimante de sa malheureuse aventure amoureuse et espérait sans doute « s’oublier », dans le régiment. Ayant été obligé de renoncer à ce dernier espoir, il en vint à jouer avec le revolver, autrement dit à la tentative de suicide inconsciente. Le fait qu’il tenait le revolver, non de la main droite, mais de la main gauche, prouve qu’il ne faisait réellement que « jouer », c’est-à-dire n’avait aucune intention consciente de se suicider. »

Voici une autre analyse, mise également à ma disposition par l’observateur. Cette fois encore il s’agit d’une mutilation volontaire, accidentelle en apparence, et le cas faisant l’objet de cette analyse rappelle le proverbe : « celui qui creuse un fossé pour autrui, finit par y tomber lui-même. »

« Madame X., faisant partie d’un bon milieu bourgeois, est mariée et a trois enfants. Bien que nerveuse, elle n’a jamais eu besoin de suivre un traitement quelconque, son adaptation à la vie étant suffisante.