Page:Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne, trad. Jankélévitch, 1922.djvu/230

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nelle et immorale ; mais avant j’étais d’une nervosité qui touchait à la folie.

« Il s’agissait d’un avortement. Devenue enceinte pour la quatrième fois, alors que la situation pécuniaire du ménage était assez précaire, elle s’était adressée, avec le consentement du mari, à une faiseuse d’anges qui avait fait le nécessaire. Il y eut des suites qui nécessitèrent les soins d’un spécialiste.

— Je me fais, dit-elle, souvent le reproche d’avoir laissé tuer mon enfant, et j’étais angoissée par l’idée qu’un crime pareil ne pouvait pas rester impuni. Mais puisque vous m’assurez que je n’ai rien à craindre pour mes yeux, je suis tranquille : je suis déjà sans cela suffisamment punie. »

« Cet accident n’était donc qu’un châtiment que la malade s’était pour ainsi dire infligée elle-même, en expiation du péché qu’elle avait commis, et, peut-être en même temps, un moyen d’échapper à un châtiment inconnu et plus grave qu’elle redoutait anxieusement depuis des mois.

« Au moment où elle se dirigeait précipitamment vers la boutique pour acheter le tableau, toute cette histoire, avec toutes les appréhensions qui s’y rattachaient et qui devaient être très actives dans son inconscient, puisqu’elle ne manquait pas une seule occasion de recommander à son mari la plus grande prudence dans sa traversée de la rue en réfection, avait surgi dans ses souvenirs avec une intensité particulière, et son expression verbale pourrait être formulée à peu près ainsi : « Quel besoin as-tu d’un ornement pour la chambre de tes enfants, toi qui as laissé tuer un de tes enfants ? Tu es une meurtrière ! Et le grand châtiment est certainement proche ! »

« Sans que cette idée fût devenue consciente, elle la prit comme prétexte pour, dans ce moment que j’appellerais psychologique, utiliser en vue de son propre châtiment, et sans que personne pût jamais