Page:Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne, trad. Jankélévitch, 1922.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traumes » (Zentralbl. f. Psychoanal., I, 1912) et celui de E. Jones : « Unconscious manipulations of numbers » (Ibid., II, 5, 1912).

Dans mes propres analyses de ce genre, j’ai été frappé par les deux faits suivants : en premier lieu, par la certitude quasi-somnambulique avec laquelle je marche vers le but inconnu et me plonge dans des calculs qui aboutissent subitement au nombre cherché, et aussi par la rapidité avec laquelle s’accomplit tout le travail ultérieur ; en deuxième lieu, j’ai été frappé par la facilité avec laquelle les nombres se présentent à ma pensée inconsciente, alors que je suis généralement un mauvais calculateur et éprouve les plus grandes difficultés à retenir, dans ma mémoire consciente, les dates, les numéros de maisons, etc. Je trouve d’ailleurs, dans ces opérations inconscientes sur les nombres, une tendance à la superstition dont l’origine m’est restée longtemps inconnue[1].

  1. M. Rudolph Schneider, de Munich, a soulevé une objection intéressante contre ces déductions tirées de l’analyse des nombres. (R. Schneider. — « Zu Freud’s analytischer Untersuchung des Zahleneinfalls », Internat. Zeitsch. f. Psychanal., I, 1920.) Il prenait un nombre donné quelconque, par exemple le premier nombre qui lui tombait sous les yeux dans un ouvrage d’histoire ouvert au hasard, ou il proposait à une autre personne un nombre choisi par lui et cherchait à se rendre compte si des idées déterminantes se présentaient, même à propos de ce nombre imposé. Le résultat obtenu fut positif. Dans un des exemples qu’il publie et qui le concerne lui-même, les idées qui se sont présentées ont fourni une détermination aussi complète et significative que dans nos analyses de nombres spontanément surgis, alors que dans le cas de Schneider le nombre, de provenance extérieure, n’avait pas besoin de raisons déterminantes. Dans une autre expérience qui, elle, portait sur une personne étrangère, il a singulièrement facilité sa tâche, en lui proposant le nombre 2 dont le déterminisme peut être facilement établi par chacun, à l’aide de matériaux quelconques.
      R. Schneider tire de ses expériences deux conclusions : 1° Pour les nombres nous possédons les mêmes possibilités psychiques d’association que pour les notions ; 2° Le fait que des idées déterminantes se présentent à propos de nombres conçus spontanément ne prouve nullement que ces nombres aient été provoqués par les idées découvertes par l’analyse. La première de ces deux conclusions est parfaitement exacte. On peut pour un nombre donné trouver une association aussi facilement que pour un mot énoncé, et peut-être même plus facilement, car les signes, peu