Page:Freud - Psychopathologie de la vie quotidienne, trad. Jankélévitch, 1922.djvu/307

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Nous ne serons pas étonnés de constater que l’examen analytique révèle comme étant parfaitement déterminés, non seulement les nombres, mais n’importe quel mot énoncé dans les mêmes conditions.

Jung a publié un intéressant exemple concernant l’origine d’un mot obsédant (Diagnostische Assoziationsstudien, V, p. 215). « Une dame me raconte qu’elle est obsédée depuis quelques jours par le mot « Taganrog », sans qu’elle sache d’où ce mot lui vient. J’interroge la dame sur les événements affectifs et les désirs de son passé le plus récent. Après une certaine hésitation, elle m’avoue qu’elle aurait grande envie d’avoir une robe de chambre (Morgenrock), mais que son mari ne manifeste pas un grand

    nombreux, dont se composent les nombres possèdent une force d’association particulièrement grande. On se trouve alors tout simplement dans le cas de ce qu’on appelle l’expérience « d’association » qui a été étudiée sous tous ses aspects par l’école Bleuler-Jung. Dans les cas de ce genre, l’idée (la réaction) est déterminée par le mot (excitation). Cette réaction pourrait cependant se manifester sous des aspects très variés, et les expériences de Jung ont montré que, quelle que soit la réaction, elle n’est jamais due au « hasard », mais que des « complexes » inconscients prennent part à la détermination, lorsqu’ils sont touchés par le mot jouant le rôle de facteur d’excitation.
      Mais la deuxième conclusion de Schneider va trop loin. Du fait que des nombres (ou des mots) donnés font surgir des idées appropriées, on ne peut tirer, concernant les nombres (ou les mots) surgissant spontanément, aucune conclusion dont on ne fût pas obligé de tenir compte avant même la connaissance de ce fait. Les nombres (ou les mots) pourraient être indéterminés ou déterminés par des idées révélées par l’analyse ou par d’autres idées que l’analyse n’a pas révélées, auquel cas l’analyse nous aurait induits en erreurs. On doit seulement se débarrasser du préjugé, d’après lequel le problème se poserait autrement pour les nombres que pour les mots. Nous ne nous proposons pas de donner dans ce livre un examen critique du problème et une justification de la technique psychanalytique concernant l’évocation d’idées en rapport avec les nombres. Dans la pratique psychanalytique on admet que la deuxième possibilité est suffisante et peut être utilisée dans la plupart des cas. Les recherches de Poppelreuter, exécutées dans le domaine et à l’aide des méthodes de la psychologie expérimentale, ont d’ailleurs montré que cette deuxième possibilité est de beaucoup la plus probable. (Voir d’ailleurs à ce sujet les intéressantes considérations de Bleuler dans son ouvrage : Das autistisch undisziplinierte Denken, etc., 1919. Section 9 : « Von den Wahrschenlichkeiten der psychologischen Erkenntniss. » )