Page:Friedrich Carl von Savigny - Traité de droit romain, Tome 1, 1855.djvu/89

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la loi est appelée à faire cesser. D’un autre côté, les diverses institutions du droit s’enchaînent et réagissent les unes sur les autres ; chaque principe nouveau peut donc, sans qu’on s’en aperçoive, contredire d’autres principes d’ailleurs non contestés. Pour aplanir ces difficultés, il faut des réflexions, des combinaisons, qui ne peuvent guère venir que d’une action personnelle[1]

Ces principes acquièrent un nouveau degré d’évidence, quand le droit qu’il s’agit de modifier est fixé par une loi. La force cachée, qui travaille sans relâche à la formation du droit, se trouve alors enchaînée par l’autorité inhérente aux textes, ou gênée d’une manière fâcheuse[2] ; enfin, nous voyons dans l’histoire de tous les peuples des époques où les circonstances s’op-

  1. Stahl, Philosophie des Rechts, II, 1, p. 140.
  2. Tel est le véritable sens de ce passage de Goethe souvent mal compris « Les lois et le droit, semblables à un mal héréditaire, se transmettent de génération en génération, et s’étendent insensiblement de pays en pays. L’intelligence devient sottise ; le bienfait, tourment. Malheur à toi d’être né petit-fils ! mais du droit né avec nous, hélas ! il n’en est jamais question ! » Ainsi on a cru à tort que le poëte faisait ici la satire du droit positif, et se plaignait que le droit naturel ne fût pas seul suivi. Je suis loin de prétendre que les idées que j’expose se soient présentées à Goethe dans le même enchaînement ; mais c’est le privilège du génie d’arriver par une intuition directe aux résultats que nous n’obtenons qu’avec effort et par une longue suite de déductions.