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XII


 
Depuis que j’ai perdu ses lèvres, si cruelles
Pourtant ! je ne vis plus. Je vais dans les ruelles,
Dans les faubourgs les plus déserts, pâle et nu-pieds,
Jusqu’à ce que la nuit tombe. Alors je m’assieds.
J’attends. Et par moments, altéré de ce rêve
Qui me tend ses deux bras lointains, je me soulève.
Et je la vois qui s’en retourne à son tombeau.
Je vois longtemps son front mélancolique et beau
Disparaître ! Alors, seul sur cette terre infâme,
Vers le grand ciel qui m’a repris toute mon âme,
Je pousse une clameur horrible de trépas.
Et qui sait cependant si ce ne seront pas
Tes plus sanglants lauriers d’amour, ô Douleur noire,
Qui me composeront ma couronne de gloire ?