Page:Froissart - Œuvres de Froissart, Chroniques, Tome 1, 1873.djvu/493

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tous jours, et li avoir s’en va et en pou de heure ne scet on qu’il devient. Et de ce soiez certain que qui veult faire son corps par convoitise d’avoir, il pourra faire le corps une partie du temps, mais en la parfin la convoitise de l’avoir li deffera trestout, car grant convoitise fait faire moult de maulx. Et tous maux faiz sont durement contraires au haut honnour dont vous avez et devez avoir si tres grant desir. Si vous devez bien garder d’icelle convoitise et de toutes autres oevres qui a si noble conqueste comme d’acquerir honnour vous y puissent empescher ne destourner si haute emprise comme d’onnour avoir. Encores vous enseignent icelles bonnes gens d’armes dessus diz a qui vous avez si grant desir de resembler, car combien que li mestiers d’armes soit durs et penibles et perilleux a l’endurer, leur semble il que bonne volenté et gayeté de cuer font toutes ces choses passer seurement et liement, et tout ce travail ne leur semble nient, que tout ce y peuent penser qui plus les puet tenir en liesce de cuer et de corps mais que bien soit quant il le doivent faire. Si doivent icelles gens vivre loiaument et liement, entre les autres choses amer par amours honorablement, que c’est le droit estat de ceulx qui celi honour veulent acquerir. Mais gardez que les amours et li amers soient telement que vous gardez si cher come vous devez amer vos honnours et vos bons estaz que l’onnour de vos dames gardez souverainement et que tout le bien, l’onnour et l’amour que vous y trouverés, gardez le secretement sanz vous en venter en nulle maniere, ne faire aussi les semblans si tres grans qu’il conviegne que autres ne plusieurs s’en apperçoivent ; que nul bien en la parfin, quant il est trop sceu, n’en vient mie volentiers, mais en peuent avenir moult de durs emcombriers qui puis tournent a grant ennui ; et ce n’est mie le plus grant deduit que l’en en puisse avoir que de dire « j’ayme celle la », ne de vouloir en faire telx semblans que chascun doie dire « celi aime trop bien par amours celle dame la ». Et moult en y a qui dient qu’ilz ne vouldroient pas amer la royne Genyevre, s’il ne le disoient