Page:Froissart - Œuvres de Froissart, Chroniques, Tome 1, 1873.djvu/492

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ce qu’il fait et qu’i vaut. Et pour ce ne se doit nulz esmaier de faire les biens que li bon dessus diz nous ensaignent, et par verité, que ceulx ont grant part en bonté qui veulent devenir bons. Et ilz dient voir, quar pour le grant desir qu’ilz ont de venir et d’attaindre a celui haut honnour, riens ne leur grieve qu’ilz aient a soufrir, mais leur tourne tout a tres grant deduit. Certes c’est bele chose que de faire le bien, que ceulx qui font le bien a droit ne s’en peuent lasser ne saouler ; car quant plus en ont fait, adonc leur semble qu’ilz en ont pou fait de la grant plaisance qu’ilz ont et qu’il y prennent de en faire tous les jours de plus en plus. Et cilz biens sont bons a faire, quar quant plus en fait l’en, et moins s’en orgueillist l’en, et semble tous jours que l’en en ait fait le moins. Si doit on tenir moult pou de compte de tous ces autres chetifs deduiz qui si pou peuent valoir a l’encontre de telx biens honorables qui sont si publiez et tant cogneuz et tous temps durent. Et encore enseignent les bons a vous qui celi haut honneur voulez que en vos encommencemens n’aiez trop cures de vos besoignes demorer ou paÿs dont vous estes, especialment que elles se puissent faire par vos personnes, car il ne pourroit estre a ce que vous voulez faire et acquerir, mais les laissiez et commettez en la garde et gouvernement de vos plus especiaulx amis. Et nulle melencolie ne vous en devez donner se vos besoignes ne sont si bien faictes, ne se portent si bien par autrui come par vous ou en vos personnes se vous y estiez, car en nulle maniere ne se pourroit faire, et c’est la coustume toute firtee ; car qui veult faire l’avoir avant que le corps, il puet bien faire l’avoir, mais du corps sera il pou de nouvelles. Et qui a volenté de faire le corps avant que l’avoir, et Dieu li donne vie et santé, il ne puet faillir a l’aide de Dieu de faire le corps, et en nulle maniere ne puet faillir qu’il n’ait de l’avoir et des biens assez quoy qu’il demeure. Si ne vous doit ja chaloir d’amasser grant avoir ; car qui plus fait d’avoir, plus envis veult mourir et plus doubte la mort ; et qui plus a d’onnour, moins doubte a mourir, que li bien et honnour lui demeure a