Page:Froissart - Œuvres de Froissart, Chroniques, Tome 1, 1873.djvu/499

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Or povés veoir que ycelles chaitives gens qui ont ces chaitifs cuers ne seront ja asceur, qu’il ne vivent en plus grant paour et doubte de perdre ces chaitis corps que n’ont ycelles bonnes gens d’armes qui en tant de perilz et en tant de dures aventures mettent leurs corps pour acquerir honnour ; car il ont tant acoustumé et cogneu que de teles chaitives paours, dont cilz chaitis ont et si souvent, ne leur en chaut il de nient. Et la ou li chaitis ont grant envie de vivre et grant paour de mourir, c’est tout au contraire des bons ; car aus bons ne chaut il de leur vie ne de mourir, mais que leur vie soit bonne a mourir honorablement. Et bien y part es estranges et perileuses aventures que il querent. Et pour ce dient li bon dessus dit que adonques est bon a homme de mourir quant sa vie lui plaist, que Dieux fait belle grace a ceulz a qui leur vie est tele que le morir est honnorable ; car li bon dessus dit vous enseignent que il vault miex mourir que laidement vivre.

Or convient il avoir un estat souverain en ycelles bonnes gens d’armes, si comme li bon dessus dit dient et enseignent qu’il soient humbles entre leurs amis, fiers et hardiz contre leurs ennemis, piteux et misericors sur ceulz qui le requierent par amandement, cruelz, vengeur sur ses ennemis, cointes, aimables et de bonne compaignie avecques touz fors avecques ses ennemis ; car li bon vous enseignent que vous ne devez pas parler longuement ne tenir parole avecques voz ennemis, que vous devez penser qu’il ne parolent pas a vous pour vostre bien, fors que pour traire de vous dont il se puissent aviser de vous porter plus grant domage. Si devez estre large de donner au miex emploié, et tant eschars comme pourrés de laissier rienz du vostre a vous ennemis. Amez et servez vos amis, heez et grevez vos ennemis, reposez vous avecques vous amis, travaillez vous contre vous ennemis. Vous devez conseillier voz emprises doubteusement et les devez parfournir tres hardiement. Et pour ce vous enseignent les bons dessus diz que nulz ne se doit trop desesperer pour couardise ne trop affermer en sa hardiesce ; car trop desesperer par couardise fait a homme perdre son fait