Page:Froissart - Œuvres de Froissart, Chroniques, Tome 1, 1873.djvu/500

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et son honnour, et trop affier en sa hardiesce fait a homme perdre le corps folement ; mes puis que l’en est en besoigne, l’en doit plus doubter laide couhardise que la mort. Gardez que convoitise ne soit en vous pour tolir ne pour avoir l’autruy sanz cause. Et gardez sur tant comme vous vous amez que vous ne vous laissiez rienz tolir du vostre. Dites et racontez le bien des autres et le vostre non, et n’aiez envie sur autruy. Et sur toutes choses fuyez tençon, quar doubteuse chose est a tencier a son pareil, et forsenerie est de tencier a plus haut de luy, et laide chose est de tencier a plus bas de luy, et tres laide chose est de tencier a fol et a yvre. Encore vous asseignent les bons dessus diz que vous vous gardez de dire laides paroles, mais gardez que vous paroles soient plus profectables que courtoises. Et gardez que vous ne loez vostre fait, ne ne blasmez trop l’autruy. N’aiez envie d’oster l’onnour d’autruy, mais gardez le vostre souverainement. Gardez que vous n’aiez en despit nulles povres gens ne nulz mendre de vous, que moult en y a des povres qui valent miex que ne font li riche. Gardez vous de trop parler, car en trop parler convient que l’en die folie, et par exemple li fol ne se peuent taire, et li saige se taisent juques a tant qu’il aient temps de parler. Et vous gardez de trop grant simplece, quar qui riens ne scet, ne bien ne mal, son cuer est auveigle et non voyant, ne il ne scet conseillier ne lui ne les autres ; que se un auveugles veult mener un autre, certes il meismes chiet en la fosse premiers et li autres amprés luy. Or vous gardez encores de chastier les folz, que vous y perdriez voz poines et si vous en herront ; mes chastiez les sages, qui vous en ameront mieulx. N’aiés ja grant esperance en gens qui en brief temps seurmontent les autres par grant fortune sanz desserte, car il ne peuent durer ; car aussitost sont il prestz de descendre comme il sont monté. Et li bon dessus diz vous enseignent que fortune essaie les amis ; car quant elle s’en va, elle vous laisse les vostres et enmaine ceuls qui vostres n’estoient. Encores vous di je que de largesce que vous faciez ne de dons bien emploiez ne vous devez repentir ;