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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome II, 1835.djvu/101

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LIVRE II.

la mer et venroit prendre terre à Calais et passeroit, si Dieu l’ordonnoit, parmi le royaume de France, à quatre mille hommes d’armes et trois mille archers, et venroit en Bretagne, accompagné de comtes, de barons et de chevaliers, ainsi comme à fils de roi appartenoit, et qui entreprend un si haut voyage que de passer parmi le royaume de France qui est si grand et si noble, et où tant a de bonne et de noble chevalerie.

Quand ces choses furent conseillées et arrêtées, et le voyage du tout accordé, le roi d’Angleterre et ses oncles rescripsirent lettres au duc de Bretagne et au pays, et leur mandèrent une partie de leur entente et du conseil parlementé et arrêté à Londres, et que à ce n’y auroit nulle défaute que le comte de Bouquenghen en celle saison ne passât. Le roi d’Angleterre honora moult les chevaliers, et leur donna de beaux dons ; et aussi firent ses oncles ; et partirent et retournèrent en Bretagne, et donnèrent leurs lettres au duc qui les ouvrit et lut, et vit tout ce qu’elles contenoient. Si les montra au pays, lequel se contenta de ces réponses, et se ordonnèrent sur ce. Et le roi d’Angleterre et ses oncles ne mirent mie en oubli le voyage qui étoit empris ; mais furent mandés tous ceux qui élus étoient d’aller avec le comte de Bouquenghen, les barons d’un lez et les chevaliers d’autre ; et furent payés et délivrés à Londres pour trois mois ; et commençoient leurs gages à entrer sitôt comme ils étoient arrivés à Calais, tant de gens d’armes comme d’archers ; et leur délivroit le roi passage à ses frais. Si vinrent à Douvres ; et passèrent petit à petit, et arrivèrent à Calais ; et mirent plus de quinze jours à passer, ainçois que ils fussent venus.

Bien véoient ceux de Bologne que grands gens d’armes issoient hors d’Angleterre et passoient la mer, et arrivoient à Calais : si le signifièrent sur le pays et par toutes les garnisons, afin qu’ils ne fussent surpris. Lorsque les nouvelles furent sçues en Boulonois et en Theruennois et en la comté de Guines, si s’avisèrent chevaliers et écuyers du pays ; et firent retraire ens ès forts tout ce que leurs gens avoient, si ils ne le vouloient perdre ; et les capitaines, tels que le capitaine de Boulogne, le capitaine d’Ardre, de le Montoire, d’Esprolecque, de Tournehen, de Hames, de Licques et des chasteaux sur les frontières entendirent grandement à pourvoir leurs lieux, car bien savoient, puisque les Anglois passoient à telles flottes, que ils aroient l’assaut.

Les nouvelles du passage furent signifiées au roi Charles de France, qui se tenoit à Paris. Si envoya tantôt devers le seigneur de Coucy, qui étoit à Saint-Quentin, qu’il se pourvéist de gens d’armes et s’en allât en Picardie, et réconfortât les villes, les cités et les chasteaux. Le sire de Coucy obéit au commandement du roi, ce fut raison ; et réveilla chevaliers et écuyers d’Artois, de Vermandois, de Picardie ; et fit son mandement à Péronne en Vermandois. Et étoit capitaine d’Ardre pour ce temps le sire de Saint-Py, de Boulogne messire Jean de Longviliiers, et de Montreuil sur mer messire Jean de Fosseux. Si arriva à Calais trois jours devant la Magdelaine au mois de juillet le comte de Bouquenghen, l’an mil trois cent et quatre vingt.

Quand le comte de Bouquenghen fut arrivé à Calais, les compagnons en orent grand’joie, car bien savoient que point longuement ne séjourneroient là qu’ils n’allassent en leur voyage. Le comte se rafreschit deux jours à Calais, et au tiers jours partirent et se mirent sur les champs, et prirent le chemin de Marquigne.

Or est-il droit que je vous nomme les bannerets et pennonceaux qui là étoient : premièrement le comte Thomas de Bouquenghen, le comte de Stanfort qui avoit sa nièce épousée, fille au seigneur de Coucy, le comte de Devensière. Après chevauchoient, bannières déployées, le sire de Latimer, qui étoit connétable de l’ost, et puis le sire de Fit-Vatier, maréchal ; après, le sire de Basset, le seigneur de Boursier, le sire de Ferrières, le sire de Morlay, le sire d’Orsy, messire Guillaume de Windesore, messire Hue de Cavrelée, messire Robert Canolle, messire Hue de Hastingues, messire Hue de la Zouche. À pennons, messire Thomas de Percy, messire Thomas Trivet, messire Guillaume Clinton, messire Yon de Fit-Varin, mesire Hugues Teriel, le seigneur de Warchin, messire Eustache et messire Jean Harleston, messire Guillaume de Fermiton, messire Guillaume de Brianne, messire Guillaume Drayton, messire Guillaume Faubre, messire Jean et messire Nicole d’Aubrecicourt, messire Jean Mase, messire Thomas Camoys, messire Raoul, fils du