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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome II, 1835.djvu/122

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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

samedi suivant vint le comte de Bouquinghen loger à Saint-Supplis en Bretagne, et là demeura trois jours ; et puis vint au quatrième jour à Combourg et là demeura quatre jours. Le duc de Bretagne, qui étoit parti de Hainbont et venu à Vannes, savoit tous les jours le convenant des Anglois ; car ses gens, qui se tenoient en la cité de Rennes, lui signifioient. Si avisa, tout considéré, que il venroit parler à eux, car à son honneur et selon les grandes alliances que ils avoient ensemble, il ne les pouvoit longuement demener. Et entendit que messire Robert Kanolle, messire Thomas de Percy et messire Thomas Trivet venoient devers lui : si se mit à chemin pour venir devers Rennes ; et encontra, ce propre jour qu’il se partit de Vannes, les chevaliers d’Angleterre. Si se firent sur les champs très grands reconnoissances, et demanda le duc de Bretagne du comte de Bouquinghen. Les chevaliers répondirent qu’ils l’avoient laissé à Rennes tout mérencolieux de ce qu’il n’oyoit nulles nouvelles de lui. Le duc s’excusa grandement, et dit, par sa foi ! qu’il ne l’avoit pu amender. Adonc chevauchèrent-ils tous ensemble ; et fussent bien ce jour venus à Rennes si ils voulsissent ; mais ils entendirent que les Anglois étoient à Combourg pour venir à la Herde ; et s’allèrent loger à la Maisière, car ils tournèrent ce chemin. À lendemain vint le comte de Bouquinghen et ses gens à la Herde, et là se logèrent ; car ils entendirent que le duc de Bretagne venoit : si ne voldrent aller plus avant. Là vinrent le duc de Bretagne et ses consaulx. Si s’entrencontrèrent le duc et le comte de Bouquinghen, et se montrèrent grand amour ensemble ; et s’excusa le duc de Bretagne moult bellement au comte et aux Anglois de ce que il avoit tant demeuré ; car voirement il ne trouvoit pas son pays tout tel comme il lui avoit promis au commencement de l’été. Donc répondit le comte et dit : « Beau-frère de Bretagne, pour ce ne demeurera-t-il mie, si vous voulez, que nous ne corrigions les rebelles ; car avec l’aide et la puissance que vous avez et que nous avons et qui tous les jours nous peut venir d’Angleterre, nous soumettrons si vos sujets, que ils seront tout aises quand ils pourront venir à merci. »

De telles paroles et de plusieurs autres parlèrent-ils longuement ensemble, et puis se trait chacun en son hôtel. Et chevauchèrent lendemain tous deux ensemble en grand’joie, et parlèrent après dîner de leurs besognes moult longuement. Et fut adonc ordonné que le conseil du comte s’en iroit à Rennes avec le duc, et là ordonneroient-ils et concluroient-ils finablement toutes leurs besognes. Si demeura ce soir le duc de Bretagne et le conseil du comte à la Maisière, et le comte retourna à la Herde ; car ils étoient tous là logés et environ la Maisière ; et lendemain le duc de Bretagne s’en retourna à Rennes, le seigneur de Latimier, messire Robert Kanolle, messire Thomas de Percy, messire Thomas Trivet et le conseil du comte en sa compagnie. Si furent trois jours à Rennes tous dis conseillans leurs besognes.

À ce derrain conseil fut accordé, juré et fiancé sur saintes Évangiles, du duc de Bretagne, que il viendroit devant Nantes mettre le siége, en la compagnie du comte de Bouquinghen, quinze jours après ce que les Anglois seroient là venus, et feroit le duc de Bretagne venir et amener par la rivière de Loire barges et balenniers à planté pour mieux contraindre par la rivière ceux de Nantes ; et ne s’en partiroit il ni ses gens, si seroit Nantes prise. Pour toutes ces choses entériner et affirmer plus pleinement, et que le comte de Bouquinghen fût à ces obligations prendre et faire ; son conseil l’envoya querre à la Herde où il étoit logé et tout l’ost. Si se délogèrent et s’en vinrent loger ès faubourgs de Rennes, ainsi que autrefois ils avoient été logés. Si entrèrent le comte de Bouquinghen et les barons à Rennes, et là leur donna le duc de Bretagne à dîner moult grandement. Le duc de Bretagne enconvenança et jura sur sa foi solennellement et sur saintes Évangiles qu’il viendroit atout son pouvoir devant Nantes ; et sur cel état il se partit et se trait vers Hainbont ; et le comte de Bouquinghen et les Anglois demeurèrent à Rennes ; et y furent depuis bien quinze jours, en ordonnant leurs besognes. De toutes ces choses étoient bien informés ceux de Nantes que ils devoient avoir le siége ; si s’ordonnèrent selon ce. Et un des plus grands capitaines qui fût dedans Nantes c’étoit messire Jean le Barrois des Barres, un vaillant et appert chevalier. Avec lui étoient le capitaine de Cliçon, Jean de Chastel-Morant, Morfonace, messire Jean de Malestroit,