Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome II, 1835.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
[1381]
CHRONIQUES DE J. FROISSART.

table oy volontiers ces paroles, et dit : « Envoyez devers eux, et nous leur donnerons sauf-conduit de faire fait d’armes, si ils veulent venir. » Si envoyèrent premièrement le Gallois d’Aunoy et messire Lyonnaulx d’Arraines à ceux où ils s’étoient ahers à faire fait d’armes, et de asseoir trois coups de glaives à cheval. Quand messire Guillaume Clinton et messire Guillaume Franc entendirent que ils étoient semons des François à faire fait d’armes, si en furent tous réjouis ; et en prirent congé au comte de Bouquinghen et aux barons d’Angleterre de y aller ; et y allèrent, et aucuns chevaliers et écuyers en leur compagnie ; et joutèrent moult vaillamment les Anglois et les François, et firent fait d’armes ainsi que ordonnance se portoit. Là furent requis de messire Regnault de Thouars, de Jean de Chastel-Morant et du Bâtard de Clarens, chacun son chevalier et son écuyer ; c’est à entendre, le sire de Vertaing, messire Jean d’Aubrecicourt et Édouard de Beauchamps. Les trois Anglois en étoient en grand’volonté et vouloient sur le sauf conduit du connétable aller à Chastel-Jocelin.


CHAPITRE LXXIX.


Comment les trois chevaliers de Hainaut allèrent à Vennes en Bretagne pour faire armes contre trois chevaliers anglois.


Quand le comte de Bouquinghen, qui se tenoit à Vennes, entendit les requêtes des François, si répondit pour les siens, et dit ainsi au héraut tout en haut : « Vous direz au connétable que le comte de Bouquinghen lui mande que il est bien aussi puissant de donner et de tenir son sauf-conduit aux François comme il est aux Anglois, et que ceux qui demandent à faire fait d’armes aux siens viennent à Vennes, et il leur donnera, et qui que ils voudront en leur compagnie pour l’amour d’eux, venant et retournant, sauf-conduit. » Quand le connétable ouït cette réponse, il imagina tantôt que le comte de Bouquinghen avoit droit, et que il vouloit voir le fait d’armes, et que c’étoit raison que autant bien il en eût à Vennes en sa présence, comme il en avoit eu à Chastel-Jocelin en la sienne. Si répondit quand il parla, et dit : « Le comte de Bouquinghen parle comme un vaillant homme et fils de roi, et je veux que il en soit à sa parole. Or s’escripsent tous ceux qui aller y voudront avec les faisans d’armes, et nous envoierons quérir le sauf-conduit. » Tantôt se escrièrent chevaliers et écuyers jusques à trente. Si vint un héraut à Vennes quérir le sauf-conduit, et on leur donna et scella de par le comte de Bouquinghen. Adoncques se départirent du Chastel-Jocelin les trois qui faire fait d’armes devoient ; et tous les autres en leur compagnie ; et vinrent à Vennes, et se logèrent, le jour que ils y vinrent, dedans les faubourgs ; et leur firent les Anglois bonne chère. À lendemain ils s’ordonnèrent pour combattre, ainsi que faire devoient, et vinrent en une belle place tout ample et tout unie au dehors de la ville. Assez tôt après vinrent le comte de Bouquinghen, le comte d’Asquesuffort, le comte de Devensière et les barons qui là étoient en sa compagnie et ceux qui faire devoient fait d’armes ; premièrement le sire de Vertaing contre messire Regnault de Thouars seigneur de Puisances, et après, messire Jean d’Aubrecicourt contre messire Tristan de la Galle, et Édouard de Beauchamp contre le Bâtard de Clarens. Là se mirent sur la place les François tous d’un lez et les Anglois d’autre ; et ceux qui devoient jouter étoient à pied et armés de toutes pièces, de bassinets à visière et de glaives à bon fer de Bordeaux, et d’épées de Bordeaux tous pourvus. Or s’ensuivent les faits d’armes.


CHAPITRE LXXX.


Comment à Vennes en Bretagne furent faites armes par Haynuyers, Anglois et François devant le comte de Bouquinghen.


Premièrement le sire de Puisances, de Poitou, et le sire de Vertaing, de Hainaut, deux barons de haute emprise et de grand hardiment, s’en vinrent l’un sur l’autre et tout à pied, tenant leurs glaives assurés, et passèrent le bon pas, et point ne s’épargnèrent, mais s’assirent les glaives l’un sur l’autre en poussant ; le sire de Vertaing fut féru sans être blessé en chair, mais il férit par telle manière le sire de Puisances que il transperça les mailles et la poitrine d’acier et tout ce qui étoit dessous, et trait sang de sa chair, et fut grand’merveille que il ne le navra plus avant. Après recouvrèrent-ils les autres coups, et firent toutes leurs armes sans dommage, et puis allèrent reposer et laissèrent faire les autres, et les regardèrent. Après vinrent messire Jean d’Aubrecicourt, de Hainaut, et