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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome II, 1835.djvu/264

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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

par membres et par pièces sur chars et la cloche aussi ; lequel oroloige fut amené et acharié en la ville de Dijon en Bourgogne ; et là fut remis et assis, et y sonnent les heures vingt quatre entre jour et nuit.

Au département du roi de la ville de Courtray elle fut mallement menée, car on l’ardit et détruisit sans déport ; et emmenèrent par manière de servage plusieurs chevaliers et écuyers et gens d’armes, de beaux enfans, fils et filles, et grand’foison ; et chevaucha le roi et vint à Tournay, et se logea en l’abbaye de Saint-Martin. Quand le roi entra à Tournay, on lui fit grand’chère et moult d’honneur et de révérence, ce fut raison ; et furent toutes les bonnes gens de la ville vêtus de blanc à trois bâtons verts d’un lez ; et fut la cité partie pour loger les seigneurs ; le roi à Saint-Martin, et comprenoient ses gens un quart de la ville ; le duc de Berry en l’hôtel de l’évêque ; le duc de Bourbon à la couronne d’or ; le duc de Bourgogne à la tête d’or ; le connétable au cerf ; et le seigneur de Coucy à Saint-Jaqueme. Et fut crié de par le roi et sur la hart que nul ne forfît rien aux bonnes gens de Tournay, et que on ne prensist rien sans payer, et que nul ne entrât en la comté de Hainaut pour mal faire.

Toutes ces choses furent bien tenues. Là se rafreschirent ces seigneurs et leurs gens, et les lointains se départirent et s’en retournèrent par Lille, par Douay et par Valenciennes, en leurs lieux. Le comte de Blois prit congé au roi et à ses oncles et à son compagnon le comte d’Eu, et s’en retourna sur son héritage en Hainaut. Et se logea à Valenciennes un jour et une nuit, où on le reçut moult grandement et liement ; car il avoit conquis entièrement l’amour des bonnes gens de la ville, tant pour l’honneur que il avoit fait au pays, quand Bretons, Bourguignons et Savoyens le vouloient courir, et il alla au devant et rompit leur intention, que pour ce aussi que messire Thierry de Disquemme, qui les tenoit en doute et avoit tenu un long temps, s’étoit du tout mis en l’ordonnance de lui et du seigneur de Coucy, et sur ce eurent paix. Si se partit le comte de Blois de Valenciennes et s’en vint à Landrecies ; et là se tint un temps et rafreschit de-lez madame sa femme Marie et Louis son fils ; et l’été en suivant il s’en vint à Blois ; mais la comtesse et son fils demeurèrent en Hainaut, et se tinrent le plus du temps à Beaumont.


CHAPITRE CCIV.


Comment le roi et son conseil voyant l’obstination et rébellion des Flamands mit garnison a Bruges, à Yppre et ailleurs à son département de Tournay.


Pareillement le comte de la Marche et messire Jacques de Bourbon, son frère, se départirent de Tournay pour être mieux à leur aise et s’en allèrent rafreschir à Leuse en Hainaut sur leurs héritages. Messire Guy de Laval, breton, s’en vint aussi à Chievre en Hainaut où il a part en l’héritage ; et en sont seigneurs messire de Namur et lui. Le sire de Coucy s’en vint à Mortaigne sur Escaut et s’y rafreschit, et toutes ses gens ; mais le plus il se tenoit de-lez le roi à Tournay.

Le roi séjournant à Tournay, le comte de Saint-Pol ot une commission de corriger tous les Urbanistes, dont la ville étoit moult renommée. Si en trouva-t-on plusieurs ; et là où ils étoient trouvés, fut en l’église Notre-Dame ou ailleurs, ils étoient pris et mis en prison et rançonnés moult avant du leur. Et recueillit bien le comte, et sous briefs jours, par cette commission, douze cent mille francs ; car nul ne partoit de lui qui ne payât ou donnât bonne sûreté de payer. Encore le roi étant à Tournay, orent ceux de Gand un sauf conduit allant et retournant en leur ville ; et espéroit-on que ils venroient à merci : mais ens ès parlemens qui là furent ordonnés, on les trouva aussi durs et aussi orgueilleux que dont si ils eussent tout conquêté et eu à Rosebecque la journée pour eux. Bien disoient que ils vouloient eux mettre en l’obéissance du roi de France très volontiers, afin que ils fussent tous tenus du domaine de France pour avoir ressorts à Paris ; mais jamais ne vouloient être en la subjection de leur seigneur le comte Louis ; et disoient que jamais

    cathédrale de Sens, exécutée en 1377 ; du château de Montargis en 1380, etc. On insérait dans la plupart de ces premières horloges des mouvemens qui mettoient en jeu des statues, des figures d’animaux, et leur faisaient rendre des sons ; produisaient des airs de musique, et autres choses semblables ; on donna à plusieurs d’entr’elles le nom de Jac Mars, corruption, dit-on, de celui de Jacques Aimard, habile ouvrier qui se distingua par son intelligence dans l’exécution des diverses horloges à machines. » Voyez aussi dans ma vie de Boèces (Philosophie chrétienne), une lettre du roi Théodoric à Boèces.