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CHRONIQUES DE J. FROISSART.

Saint-Michel. Jamais on ne nous peut avoir plus aise que maintenant. Si disons, d’un général conseil et accord, que nous voulons avoir compte, et bien briévement, sus ceux qui ont gouverné votre royaume depuis le jour de votre couronnement ; et voulons savoir que le vôtre est devenu, et les grandes levées qui ont été faites depuis neuf ans parmi le royaume d’Angleterre où elles sont contournées. Si ceux qui ont été gardes et trésoriers en rendent bon compte, ou aucques près, nous en serons tous réjouis, et les vous tairons et en votre gouvernement ; et s’ils n’en montrent bien leur acquit, on en ordonnera par les députés de votre royaume qui à ce seront établis, nos seigneurs vos oncles et autres. »

À ces mots regarda le roi sus ses oncles, et se tut pour voir et savoir que ses oncles diroient. Lors parla le duc de Glocestre, messire Thomas, et dit : « Monseigneur, en la prière et requête de ces bonnes gens et de la communauté de votre royaume, je n’y vois que droit et raison : et vous, beau-frère d’Yorch ? » Il répondit : « M’ayst Dieu, il est vrai. » Et aussi firent tous les barons et les prélats qui là étoient auxquels il en demanda à ouïr leur entente, et chacun à son tour. « Et bien appartient, dit encore le duc, que vous sachiez que le vôtre devient ni est devenu. »

Le roi véoit bien que tous étoient contre lui et que ses marmousets n’osoient parler, car il en y avoit de trop grands sus eux. » Or bien, dit le roi, et je te vueil, et que on s’en délivre. Car véez ci le temps d’été et les chasses qui viennent où il nous faut entendre. Et comment, dit le roi à ceux de Londres et aux autres, voulez-vous que ces besognes se concludent ? Faites le bref, je vous en prie. » — « Très redouté sire, répondirent-ils, nous voulons et prions à nos seigneurs vos oncles principalement que ils y soient. » — « Nous y serons volontiers, répondirent-ils, pour toutes parties, tant pour monseigneur que pour le royaume où nous avons part. » En après dirent les Londriens : « Nous voulons et prions à révérends pères l’archevêque de Cantorbie et l’archevêque d’Ély et l’évêque de Wincestre que ils y soient. » — « Nous y serons volontiers, » répondirent-ils. « En après nous prions aux seigneurs qui ci sont présens, monseigneur de Sallebery et monseigneur de Northonbrelande, messire Régnault de Gobehan, messire Guy de Bryan, messire Jean de Felleton et messire Mathieu Gournay, que ils y soient ; et nous y ordonnerons des cités et des bonnes villes d’Angleterre, de chacune deux ou quatre hommes notables et discrets, qui y entendront pour tout le demeurant de la communauté d’Angleterre. »

Toutes ces paroles furent acceptées et assignées à être aux octaves de Saint-George a Wesmoustier, et tous les officiers du roi et les trésoriers fussent là, pour rendre compte devant ces seigneurs nommés. Le roi tint tout à bon et à ferme ; et fut contraint, doucement et non par force, mais par prière, de ses oncles et des seigneurs et des bonnes villes d’Angleterre, qu’il vint à Londres ou là près, à Cenes[1] ou à la Rédéride ; car bien appartenoit que il sceuist comment les besognes de son pays se portoient et s’étoient portées du temps passé, et aussi comment du surplus il se déduiroit et porteroit. Tout ce accorda-t-il légèrement. Ainsi amiablement s’espardi l’assemblée de Saint-George de Windesore ; et s’en retournèrent les greigneurs à Londres ; et furent escripts et mandés tous officiers et trésoriers parmi le royaume d’Angleterre que ils vinssent pourvus de leurs comptes, sus la peine à être déshonorés de corps et d’avoir.

CHAPITRE LXXIII.

Comment le jour de compter fut venu en la présence des oncles du roi et des communes d’Angleterre, et comment messire Simon Burlé fût prisonnier à Londres, et comment messire Thomas Trivet fut mort.


Or vint le jour de compter à Wesmoustier en la présence des oncles du roi et des députés, prélats, comtes, barons et bourgeois des bonnes villes. Le compte dura plus d’un mois. Si en y avoit de ceux qui ne rendoient pas bon compte ni honorable, ils étoient punis ou du corps ou de la chevanche, et tels en y avoit, du tout. Messire Simon Burlé fut trouvé en arrérages, pourtant que de la jeunesse du roi il l’avoit aidé à gouverner, à deux cens et cinquante mille francs ; bien lui fut demandé où tout ce étoit contourné. Il s’excusoit par l’évêque d’Yorch, messire Guillaume de Neufville, frère au seigneur de Neufville, et disoit, que il n’avoit rien fait fors par lui et par son conseil et par les chambellans du roi, messire Robert Tresilian, messire Guillaume de

  1. Sheen, aujourd’hui Richmond.