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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/141

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LIVRE IV.

les deux chevaliers étranges de leur confirmation pour la comté de Foix au vicomte de Chastelbon toutes ouvertes, et lettres adressans à l’évêque de Noyon et au seigneur de la Rivière qui se tenoient à Toulouse ; et étoit la substance des lettres telle, si comme je fus adonc informé par hommes créables qui en la légation avoient été.

« Charles, par la grâce de Dieu, roi de France, mandons et commandons à révérend homme l’évêque de Noyon et à notre chevalier et chambellan, le seigneur de la Rivière que, le vicomte de Chastelbon, héritier de Foix et de Béarn, laissent paisiblement jouir et possesser de son héritage de la comté de Foix et des appartenances de cette terre, par le moyen de remettre avant en votre garde la somme de soixante mille francs, prendre et recevoir tout à un payement en la cité de Toulouse ; et les deniers payés, voulons que dessous le scel de notre sénéchal de Toulouse ils en aient, et ait le vicomte de Chastelbon, et ceux qui de ce s’entremettent, lettres de quittance. Avec tout ce, par un autre payement, voulons que receviez vingt mille francs, pour les frais et coûtages eus de vous aller séjourner et retourner ès marches et limitations de la comté de Foix ; et de cet argent payé donner lettres de quittance dessous le dessus dit scel de notre office de Toulouse : sauf tant et réservé que nous voulons et réservons que messire Yvain de Foix et mesire Gratien de Foix, fils et enfans bâtards au comte Gaston de Foix de bonne mémoire, aient part et assignation raisonnable ès meubles et héritages qui furent à leur père, par l’avis et discrétion de messire Roger d’Espaigne, du comte de Bruniquel, de messire Rémond de Chastel-Neuf et du seigneur de Corasse, auxquels nous en escripvons qu’ils s’en acquittent tellement et si à point que notre conscience en soit acquittée, car jà un jour nous le promîmes ainsi au père. Et là où défaute y auroit, fût par la coulpe des quatre chevaliers que nous y commettons, ou par la rébellion ou dureté dudit vicomte de Chastelbon nous adnullons et enfraindons tous traités et scellés, donnés et accordés, et voulons qu’ils soient de nulle valeur. En témoin de ces lettres données en notre scel en la cité de Tours le douzième an de notre règne, le vingtième jour du mois de décembre. »

Les lettres faites, escriptes et scellées, et toutes les ordonnances à l’entente du conseil du roi et assez à la plaisance des légaux de Foix, les chevaliers s’ordonnèrent pour retourner en leur pays, et prirent congé du roi et des seigneurs ; et payèrent partout, et puis se départirent de Tours en Touraine et se mirent au retour.

Vous savez que messire Louis de Sancerre maréchal de France se tenoit ès marches de Carcassonne, et étoit tenu un grand temps comme souverain regard institué de par le roi et le conseil de toutes les marches et limitations de delà jusques à la rivière de Gironde et la rivière de Dordogne. Or l’avoient, l’évêque de Noyon et le sire de la Rivière, mandé à Toulouse. Il étoit venu ; lesquels seigneurs lui avoient dit ainsi : « Maréchal, le vicomte de Chastelbon, qui se veut tenir et tient héritier de la comté de Foix et des appendances, sauf et réservé la terre de Béarn, par la mort et succession du comte Gaston de Foix, est en traités devers nous, lesquels nous avons envoyés en France devers le roi et le conseil ; et ne savons, ni savoir pouvons encore, que le roi et son conseil en voudront faire. Si soyez pourvu de gens d’armes et garnissez la frontière sur la comté de Foix, car messire Roger d’Espaigne et messire Espaing de Lion revenus, qui sont en France, et nous oyons et véons par eux ou par autres messages du roi que iceux ne puissent venir à traité de paix, et que le roi veuille avoir la terre, vous y entrerez de fait et le saisirez, selon le droit et la puissance que le roi nous a donnée en celle quête et querelle. » Si que, à la requête et ordonnance des dessus dits messire Louis de Sancerre s’étoit pourvu, et pourvéoit encore tous les jours, attendant la relation de France.

Nous lairrons un petit cette matière ester et parlerons du duc de Bretagne.

Vous savez comment les traités étoient à Tours en Touraine entre le roi de France et le duc de Bretagne, lequel duc donna moult de peine au roi et à son conseil, car il ne vouloit descendre ni venir à raison, si comme on disoit. On lui demandoit ; il refusoit ; de rechef il demandoit ; on lui refusoit. Toutes ces choses se différoient ; et sans y trouver aucun moyen, on ne fût jamais venu à conclusion d’accord. Bien disoit le duc que il vouloit servir le roi de France de son hommage, si avant comme il étoit tenu ; et on lui