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EXTRAIT DE LA PRÉFACE

manuscrit de la bibliothèque de Saint-Vincent de Besançon perdu aujourd’hui ; le quatrième livre sur le manuscrit du roi No 8329 : c’étaient là les manuscrits que M. Dacier avait trouvés les meilleurs. Il avait d’ailleurs constamment collationné ces copies avec tous les autres manuscrits, et il avait ajouté, soit dans le texte, soit en note, les leçons qui lui avaient semblé mériter la préférence sur celles de sa première copie. Par-là le nouveau texte de Froissart est d’un quart au moins plus étendu que tous ceux que l’on connaissait. Les changemens les plus heureux pour la certitude des faits historiques ont aussi été opérés dans ce qui était déjà connu, et cela, non pas sur l’autorité d’un seul manuscrit, mais sur celle de tous les bons manuscrits, qui offrent extrêmement peu de différence entre eux. La notice détaillée que j’en donnerai fera mieux apprécier chacun d’eux.

Ce texte ainsi revu est aujourd’hui entre mes mains, et c’est celui que je donne au public dans cette édition.

Les notes et éclaircissemens formaient la seconde partie du travail de M. Dacier. Ses notes en assez grand nombre avaient pour but de rectifier la chronologie de Froissart, de rétablir l’orthographe des noms propres de lieux et d’individus, soit à l’aide de la géographie, soit par le secours des généalogies, et d’expliquer enfin certains événemens mal présentés ou omis par Froissart. Ces notes placées au bas de chaque page devaient être précédées d’une préface dans laquelle l’éditeur rendait compte de tout ce qu’il avait fait. La préface est entièrement perdue : il m’a été absolument impossible d’en retrouver aucune trace. Les notes du premier livre et quelques unes du second, ont presque toutes été sauvées. Quant aux deux derniers livres, M. Dacier n’avait encore rédigé aucune note : il se proposait de le faire à mesure qu’il avancerait dans son travail.

J’ai conservé, pour le premier livre, celles des notes de M. Dacier qui m’ont paru nécessaires dans l’état présent de la science. Il a bien voulu m’autoriser à retrancher les autres. Toutes les notes que ce savant respectable a rédigées sur les affaires de France qu’il connaît si bien sont de la plus parfaite exactitude. Je les ai données presque toutes sans avoir rien eu à y changer. Quant aux éclaircissemens sur les affaires étrangères à la France, il était impossible alors de procéder autrement que par des tâtonnemens, attendu le petit nombre des documens qu’on possédait. Quelques voyages dans diverses parties de l’Europe, un peu de familiarité avec quelques-uns des idiomes européens, m’ont mis en état de présenter ces éclaircissemens d’une manière plus rigoureuse qu’il n’était possible à un homme beaucoup plus éclairé que moi de le faire.

Les manuscrits de Froissart peuvent être divisés en trois classes : 1o Manuscrits étrangers ; 2o manuscrits des provinces françaises ; 3o manuscrits de Paris. Je ne parlerai que des plus curieux. Ceux qui voudront connaître la liste de tous les manuscrits connus peuvent consulter Montfaucon, Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum, et l’Appendice ajouté par Johnes à sa traduction anglaise des mémoires de M. de Sainte-Palaye sur Froissart.


MANUSCRITS ÉTRANGERS.

ALLEMAGNE.

Breslau en Silésie. — Le plus célèbre des manuscrits de Froissart se trouve à Breslau. Semblable à beaucoup d’autres choses célèbres, il n’a dû sa réputation qu’à un défaut d’examen attentif. On l’a vu élégamment copié, richement relié, orné de brillantes vignettes ; il avait appartenu à un haut personnage ; on l’a cru excellent. Il faut souvent moins de titres pour acquérir un nom. Les habitans de Breslau attachaient tant de prix à cette possession que lorsque Breslau se rendit aux Français en 1806, les Prussiens craignant qu’on ne le leur enlevât, insérèrent dans leur capitulation un article exprès à son intention, portant que la bibliothèque publique serait respectée. Si l’édition du Froissart de M. Dacier eût été publiée alors, les Prussiens eussent moins redouté la violation de leur bibliothèque. Nous avons à la bibliothèque de Paris parmi une trentaine de copies de Froissart au moins cinq ou six manuscrits qui sont de beaucoup préférables, surtout celui de Boisratier de Bourges.

Le manuscrit de Breslau est de la fin du quinzième siècle, et postérieur par conséquent de quelques années à l’invention de l’imprimerie. Les peintures qui l’ornent représentent également les habillemens et les armes du quinzième siècle et non pas du quatorzième pendant lequel écrivait Froissart. Cette copie fut faite par l’ordre d’Antoine-le-Long, né en 1421 et mort en 1504, bâtard de Bourgogne et fils naturel de Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne, pour la belle bibliothèque de la Roche, dans les Ardennes, dont Antoine était le fondateur. De la bibliothèque de la Roche, ce manuscrit passa avec plusieurs autres dans la bibliothèque particulière de Thomas Rehdiger, qui dota de cet héritage littéraire la ville de Breslau où il avait étudié. Il est en quatre volumes sur vélin, in-folio à deux colonnes. À la fin du premier volume, Antoine de Bourgogne a écrit de sa propre