Aller au contenu

Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
406
OBSERVATIONS


Mais moult envis s’i consenti.
Pourquoi ? pour chou qu’il en senti
Maint traval puis et mainte paine,
Maint grief, mainte male semaine.
Mais en Dieu mist sen espérance.
Là doit cescuns avoir fiance
Or fu paistrés diz i septimes.
Papes Jehans vint e deusimes
Cassa pour voir l’élection ;
Mais, par la procuration
Dam Lambiert, puis le pronuncha
Abbet, qui tantost li nuncha.
Trestoutes ses adversités
Et toutes ses prospérités
En ses livres seront trouvées,
Car il les a bien registrées.


L’Académie de Bruxelles a décidé que ce manuscrit serait imprimé et en a confié le soin au savant M. Warnkœnig, professeur à l’université de Gand.

Un autre abbé de la même époque, Jean Le Tartier, abbé de Cantinpré, diocèse de Cambray, a laisse des Chroniques encore manuscrites. Dans un catalogue de la bibliothèque de Favier, on les trouve mentionnées à la suite d’un manuscrit des deux premiers livres de Froissart. Je désirais d’autant plus vivement connaître cette chronique que, d’après le témoignage du catalogue Favier, de M. Dinant dans ses Poètes cambrésiens et de M. Leglay dans son Catalogue de Cambray, Froissart aurait été lié avec Jean Le Tartier, et se serait même retiré dans son abbaye pour y rédiger avec plus de loisir la révision et la continuation de ses Chroniques, qu’il annonce lui-même avoir faites en 1390 ; mais toutes mes recherches ont été inutiles.

M. Leglya m’a dit en posséder une copie qu’il se proposait de publier un jour ; mais je ne l’ai jamais eue entre les mains, et je ne puis connaître son véritable mérite.

Après avoir rendu compte des recherches scrupuleuses que j’ai faites pour améliorer et compléter le texte de cette édition, il me reste à dire quelques mots sur l’exécution.

Beaucoup d’érudits m’ont reproché, ainsi que je l’avais prévu dans ma première édition, d’avoir adopté un système unique et plus moderne d’orthographe pour les quatre livres des Chroniques qui offraient mille variétés orthographiques. Je persiste à croire que j’ai eu raison. S’il eût existé un seul manuscrit qui portât bien authentiquement l’orthographe approuvée par Froissart lui-même, j’aurais dû le respecter, au hasard d’en rendre la lecture plus difficile ; mais chacun des copistes de chacun des manuscrits dans les diverses provinces et dans les différens temps a modifié cette orthographe pour l’adapter à la prononciation de sa province et de son temps. Qui eût pu guider le lecteur à travers ce labyrinthe de difficultés ? et quel droit pouvait avoir à être respecté, un copiste souvent ignorant, qui n’avait respecté lui-même ni le fond du texte ni la forme des phrases ? Il m’a fallu quelquefois dix manuscrits divers pour compléter non-seulement un livre mais même quelques chapitres. Quand on n’imprime ni Corneille, ni Bossuet, ni aucun des écrivains du grand siècle avec leur orthographe réelle, pourquoi ferait-on une loi plus impérieuse pour un écrivain déjà assez difficile à comprendre sans cela ? Qu’eût gagné le lecteur à ce que j’eusse supprimé la ponctuation et les accens parce qu’il n’en existe pas dans les manuscrits, et à ce que j’eusse laissé des u et des i au lieu de v et de j, forme actuelle de la même lettre ; et qu’au lieu de l’ê j’eusse laissé l’ancienne forme es, lorsque ce seul changement qui ne dénature en rien la langue contribue cependant à rendre la phrase plus intelligible ? Telles sont pourtant les seules modifications réelles que j’aie faites au texte des manuscrits. Je n’ai jamais remplacé un mot ancien par un mot plus moderne, et même lorsque l’orthographe ancienne indiquait une forme conjugative ou étymologique je l’ai scrupuleusement respectée. Ainsi j’ai laissé, par exemple, escripre pour écrire, ils prindrent pour ils prirent, et de même pour tous les autres mots. Je me suis toutefois rangé à l’avis des critiques sur les noms propres de lieux et d’hommes, que j’ai conservés avec toute la variété qu’offrent les manuscrits. Dans ma première édition, pour mettre le lecteur sur la voie, j’avais donné la véri-