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RÉDACTION PRIMITIVE

ville ; et fu sa banière posée sur les murailles, et toutes les autres en sieuwant. Et y mist-on garde par luy. Ceste bataille fu en l’an mil trois cent et vingt huit.

CHAPITRE LVII.

Quant ceste desconfiture fu ainsi faite ou val de Cassel, adont vinrent les nouvelles à Bruges, à Yppre, et ailleurs, par tout leur ils estoient rebelles ; et leur dist-on comment Clais Zandequin, leur capitaine, estoit mors et desconfis. Si ne savoient que faire ; et baissèrent leurs testes en disant que Clais avoit été oultraigeux, qu’il s’estoit hastés sans leur conseil ; et pour ce l’en estoit mésavenu ; aultrement ne le plaindirent. Ainsi le plaindirent les Flamens qui devant lui avoient promis si grant honneur à faire. Adont chevaucha le roy et toute son ost jusques à Yppre. Dont vint le chastellain de Berghes, et apporta les clefs du castel au roy ; et il les prist et en rendy la seigneurie au conte de Flandres ; puis vint à Yppre et ils lui firent autel. Dont leur fist-il jurer foi et léalté à leur seigneur. Et là se tint tant et si longuement que ceulx de Bruges et du Franch furent venus à merchy au conte Loys ; et lui jurèrent qu’ils le tenroient à paix et à leur seigneur. Ainsi fu le conte remis en possession de son pays par le pooir du roy de France ; puis s’en retourna chascun en son lieu, et le roy à Paris où il n’avoit esté puis son couronnement.

CHAPITRE LVIII.

Quant le roy vint à Paris premier comme roy, il fu rechus très honnourablement ; et furent toutes les rues par où il passa jusques au palais couvertes de drap d’or ; et estoit adestré du roi de Behaigne et du roi de Navare, acompaigniés de tant de grans seigneurs que sans nombre. Et si seroit anoy du recorder les festes, les honneurs, les grans solempnités que ou lui fist. Et manda tous ses barons parmy le royalme, qu’ils venissent faire hommage et féalté à lui. Assez tost après il fist escripre et envoier devers le josne roy d’Engleterre, qu’il venist relever sa terre de Pontieu qu’il tenoit de lui, et toute sa terre de Gascongne. Et quant le roy d’Engleterre oy ces nouvelles, il requelly le messagier moult honnourablement, et le fist séjourner à Londres bien quinze jours, et entreus se conseilla qu’il feroit de ceste besongne. Si trouva à son conseil qu’il estoit tenus du faire. Dont respondy au messagier : que temprement s’ordonneroit pour passer oultre, et yroit vers le roy. Ceste response oye, prirent congiet ; si eurent de moult rices joiaux qui leur furent donnés.

CHAPITRE LVIX.

Puis s’aparilla ce josne roy, et s’en vint en France très bien acompaigniés des plus nobles et des plus sages de son pays. Si trouva le roy Phelippe à Amiens, qui l’atendoit à grant noblesce, lui quatrième de rois, le roy de Behaigne, le roy de Navare, le roy de Maillorques ; et fu le roy d’Engleterre honnourablement recheus et bien festoiés. Si y eut joustes et tournois, et grant festes maintenues par l’espasse de quinze jours. Et tous les jours ly donnoit le roy de France aucuns rices joiaux, et à ses gens aussi. Droit là fist le roy d’Engleterre hommage au roy de France de le conté de Pontieu, et de Gascoingne de ce qu’il en devoit tenir. Après ces ordonnances faites, il se party et s’en rala en Engleterre, et le roy retourna à Paris.

CHAPITRE LX.

Vous avez bien oy comment ce josne roy a fait hommage au roy de France, et comment il fu mariés à Phelippe fille au conte de Haynnau, qui fu la plus sage qui regnast en son temps de roynnes, comme vous orez chy après. Si avez oy comment il chevaucha sur les Escos, et comment unes trieuwes furent de trois ans à durer, et comment le roy maria sa seur au josne roy David d’Escoce, et en devant comment le Despensier d’Engleterre fu mors, et leur secte. Depuis ces advenues, le roy usa et ouvra grandement par le conseil de sa mère et de son oncle le conte de Kent, de monseigneur Henry de Lenclastre au tort col, et de monseigneur Rogier de Mortemer, car riens ne feist sans leur conseil. Advint que haynne, qui oncques ne morut, monta si grande du dit monseigneur Rogier de Mortemer sur le conte de Kent, qu’il lui monstra mallement car infourma le roy que le dit conte le voloit empuisonner et faire morir, pour convoitise du royalme.