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RÉDACTION PRIMITIVE

nous porrons devers no seigneur le roy d’Engleterre. » Adonc prinrent congiet. Si s’en retournèrent arière devers le roy d’Engleterre et son conseil. Sy recordèrent les parolles que le roy d’Escoce leur avoit respondues, lequel rapport ne plaisy point au roy, et encores mains à son conseil ; car ils désiroient à avoir la guerre pour contrevengier s’ils pooient le mort de leurs proismes qui furent mors à Estrumelin.

CHAPITRE LXIV.

Quant le roy et son conseil eut oyes les nouvelles, si leur samblèrent assez dures et contre l’onneur de leur royalme, et aussi assez raisonnables tant que à fraternité ; car vraiement il estoit tenus de souffrir de luy à cause de sa seur ; et assez légièrement s’en fust passés, se le conseil ne fust, qui point ne laissièrent dormir sus, mais lui dirent, pour luy esmouvoir : « Sire, vous avez juré solempnellement à tenir, deffendre et garder tous les drois de vostre royalme ; dont, se vous laissiés ceste bonne chité de Bervich et ce bon castel de Rosebourch, qui sont sur marche, et clef de vostre pays à l’encontre des Escos, vous vous acquiterez malvaisement pour vostre honneur et vostre serement ; et porroit on dire que, faulte de sens ou de hardement vous feroit ainsy défalir de vostre droit garder ; car encore est le orguel des Escos si grans qu’il ne leur souffist point à ce qu’ils tiennent de vostre héritage, mais manacent que, de jour en jour, ils chevauceront plus avant en vostre pays que le roy Robert ne fist oncques, mais que le roy David euist ung pau plus d’eage. Et pour paix acquerre et amour, vous donnastes vostre seur en mariage au roy d’Escoce ; si oons qu’ils sont plus dur sur vostre pays qu’ils n’ont oncques estés. Et tant en oons de nouvelles l’un jour et l’autre, par les marchissaux sur frontières, qu’il n’est point à souffrir. Et sur ce aiez bon advis et brief, et nous vous en prions. »

CHAPITRE LXV.

Quant le roy d’Engleterre oy ces parolles, il manda son conseil ; et quant il fu conseillés, il fist crier une grande feste à Londres. Et y fist-on joustes de trente chevaliers et de trente escuiers dedens. Si fu celle feste l’an mil trois cent trente un. À ceste feste vinrent moult de grans seigneurs ; et par espécial y fu messire Jehan de Haynnau, lui douzième de chevaliers, et eut le pris de ceulx de dehors. Et estoit avec ledit messire Jehan, le seigneur de Faigneulles, et des escuiers de dehors, messire Francque de Hal, qui fu fait chevalier en cele année avec les Englès ens ès guerres d’Escoce. Et dura la feste par le terme de huit jours. Au chief des huit jours, sur le département de le feste, le roy appella tout son conseil des trois estas ; et là fist remonstrer par ce vaillant prélat, l’évesque de Nicolle, tout ce qui estoit entre lui et le roy d’Escoce, comme devant avez oy ; et sur ce il prioit à tous d’avoir conseil affin que son honneur y fust gardée. Dont se conseillièrent l’un par l’autre tous les dis estas ; et fu par le conseil dis, tout d’un commun acort, que par honneur le roy ne pooit ce souffrir, et que le roi d’Escoce lui fesoit trop grant tort : « Car on treuve bien que ces deux pays furent jadis tout ung et tout à ung roy d’Engleterre ; lequel eut deux fils, et ens ou lit mortel, présent tous les nobles des deux pays, il donna à l’aisné le royalme d’Engleterre et au mais-né celui d’Escoce, parmy ce qu’il le tenroit en fief et en hommage de son frère le roy d’Engleterre. Or ont depuis tenu les Escos l’autre opinion, qui ne fait à souffrir. Si conseillons que de rechief toutes ces choses soient encores remonstrées au roy d’Escoce et à son conseil ; et ce sera pour l’amour et honneur de la roynne vostre seur qu’il a espousée ; et s’il ne vient à connoissance sur les dites remonstrances que on luy fera à ceste fois, qu’il soit presentement desfiés ; et vous pourvéez si enforciement que pour entrer en son royalme, tantost les deffiances faites ; et le constraindez par tel manière qu’il soit tous lies quant il venra à merchy. Et à tout ce faire volons et désirons d’estre avec vous. »

CHAPITRE LXVI.

Quant le roy eut oy leur responce et bonne volenté, si fu moult lies. Et fu du message chargiés l’évesque de Durem, le seigneur de Persy, le seigneur de Moubray et le seigneur de Fellenton ; et iceulx emprinrent l’afaire. Encore pria le roy à tous que chascuns se volsist pourvéir et estre apparilliés au Neufchastel-sur-Thin, et ils respondirent tous qu’il y seroient volentiers. Si s’en rala chascun en son lieu ; et ossy messire Jehan de Haynnau prist congié au roy en lui