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RÉDACTION PRIMITIVE

leur, et alèrent leur bon leur sambla ; et le roy y entra et y mist gens et garnisons pour le bien garder.

CHAPITRE LXXXIV.

Dont quand il eut le chastel à merchy, et moult du pays d’Escoce essiliet et gasté, si demanda conseil à ses hommes comment il se maintenroit. Si lui fu conseillié de pluiseurs de son secret conseil, qu’il pourvéist bien les forteresces que prises avoit, et de bonne chevalerie et de bons archiers, pour bien garder encontre les Escos, et s’en ralast arière vers Londres sa bonne cité, et fesist là assambler son parlement des nobles, des prélas et des bonnes villes, et là fesist remonstrer toute son intencion, et ce dont messire Robert d’Artois l’avoit infourmé. À ce s’accorda le roy. Et premiers fist pourvéir les villes et places qu’il avoit prinses, jusques au nombre de neuf ; et furent souverains pour garder toute la marche : messire Gautier de Maugny et messire Willame de Montagu. Dont se party le roy et s’en revint à Rosebourch ; et là donna congié à ses gens ; et là dist à tous ceulx qui estoient de son conseil qu’ils fuissent à certain jour à Londres, et il luy eurent en convent. Après ce, exploita tant le roy par ses journées qu’il vint à Evruich. Si trouva la roynne sa femme qui devoit relever. Si séjourna tant qu’elle fu relevée. À ce jour eut grant feste. Après ce se party le roy, la roynne et messire Robert d’Artois, et entrèrent à Londres. Et eux là venu, fist le roy faire le obsèque de messire Jehan de Eltem au moustier des Augustins ; et toudis messire Robert d’Artois emprès le roy à qui il monstroit grant amour.

CHAPITRE LXXXV.

Vous avez bien oy comment le roy Englès estoit infourmés de messire Robert, qu’il estoit drois hoirs du royalme de France et que on l’en faisoit tort. Et sur ce fait, ordonna le roy ung grant parlement à Londres, là où furent les trois estas. À ce parlement fu remonstré comment il avoit droit au royalme de France ; et ce remonstra messire Robert, de point en point, comment ce pooit estre. Là euist pluiseurs parolles dittes et retournées ; car de entreprendre un si grant fait que de voloir bouter le possessant de le couronne de France hors de le possession, c’estoit fort à faire, et y convenoit grant sens, et grant pourchas, et grant puissance. Dont il fu conseillié au roy, que toute son intention fust mise par escript ; et envoiast de là la mer, par sages chevaliers, par devers tels que le conte de Haynnau, messire Jehan son frère, le duc de Brabant son cousin germain, et le duc de Gherles son serourge, en priant à eulx que sur ce fait le volsissent consillier quel chose l’en seroit bon à faire ; et les messagiers revenus, et oy les intencions des dis seigneurs, on aroit accort tel qu’il appartenroit au fait. Ainsi se party ce parlement et fist le roy d’Engleterre escripre lettres par bon advis ; et eslisy quatre chevaliers, sages et preudommes, pour faire les ambassades par devers les prinches dessus nommés, tels que le seigneur de Beaucamp, le seigneur de Persy, le seigneur d’Estanfort et monseigneur de Gobehem. Adont ordonna et assenna le roy à monseigneur Robert d’Artois le conté de Ricemont séant en Engleterre, qui est bonne et riche, et le retint de son plus privé conseil dalez lui. Or dirons des quatre chevaliers et du message que firent.

CHAPITRE LXXXVI.

Quant ces seigneurs et deux grans clers vinrent à l’Escluse en Flandres, il furent d’acort de aller premiers en Haynnau ; si se mirent à terre et vinrent à Valenchiennes. Là trouvèrent le conte et messire Jehan qui se tenoit dalez lui en la Salle ; dont ils furent moult lies. Là furent moult honnourablement receus. Quant les barons d’Engleterre eurent le conte salué et monseigneur son frère, et fait les révérences, ly ung d’eulx prit les paroles et dist : « Vostre beau fil le roy d’Engleterre nous envoie par devers vous en grant especialté, avec ces lettres, pour avoir vostre conseil et ayde sur les besongnes qui dedens se contiennent, car elles lui touchent hautement à son honneur. » Si lui monstrèrent tout de point en point leur informacion : que de son droit, à luy appertenoit le royalme de France. Et quant toutes les raisons eurent dittes, si dirent au surplus : comment le roy considéroit les grans aventures qui pooient chéir en l’emprinse, et que moult de mal en pooit naistre, et qu’il ne voloit emprendre chose qui à son deshonneur lui peuist tourner ; et ossy ne voloit-il point que par fautte de corage et d’emprinse son droit lui fust tolus ne ostés : « Car il treuve en bonne volenté tout son royalme ; si sumes envoiés par devers vous, comme à son