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Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/451

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D’UNE PARTIE DU PREMIER LIVRE.

père, que sur ceste besongne lui veulliés faire savoir vostre bonne intencion. »

CHAPITRE LXXXVII.

Quant le conte eut véues ses lettres, et oyes toutes leurs remonstrances, que ces seigneurs lui firent bien et sagement, si dist premier : que le roi n’estoit point sans grant sens et bon conseil, qui toutes ces choses avoient considérées. Si respondy oultre à ces parolles et dist : « Certes, seigneurs, vous devez croire que je aroie plus chier l’honneur et prouffit du roi d’Engleterre mon fil qui a ma fille, que je ne feroie au roi de France ; et s’il treuve à conseil qu’il y ait droit et il face guerre, je seray apparilliés, et Jehan mon frère qui aultre fois l’a servy. Mais avec nostre ayde luy faut bien aultre ; car nous et le pays de Haynnau sumes petis pour tel cas ; si ne poons point grans fais ; et se li siet Engleterre loing pour avoir secours. Mais se vostre sire pooit avoir l’accort du duc de Brabant, du duc de Gherles et du pays de Flandres, de tant seroit nostre pays plus fors. Se vous conseille que vous alez devers eulx traitier ; et s’ils lui veulent aidier, je, ne mon pays, ne demourrons pas deriére. Et dittes ainsi au roy, de par moy, que du pays de Flandres par espécial il songne tant, par prière ou par constrainte, qu’il en ait l’ayuwe ; et aussi qu’il n’espareigne point le aler ou envoier souffissamment devers le roi d’Alemaigne, Loys de Baivière, qui en cest affaire lui peut moult valoir en pluiseurs cas. » Adont chéy si à point pour le roi d’Engleterre, que le conte de Haynnau estoit mal du roy Phelippe de France. Si vous diray pourquoy. Il avoit traitié ung mariage de madame Ysabel sa fille à l’aisné fil du duc de Brabant. Et quant le roi de France le sceut, il exploita tant que ce mariage fu desfais, et le traita ailleurs ; ce fu à sa fille ; parquoy le dit conte fu trop courchié. Encore en ce temps esquéy en vendage le chastel de Criefve-ceur ; et l’acheta le conte de Haynnau ; et en presta aux vendeurs grans sommes de deniers, en le cuidant adjouster à le conté de Haynnau ; car elle luy euist esté bien séant sur marche. Et quant le roy Phelippe le sceut, il manda le vendeur, et fist tant, par deniers et par parolles, que le marchié fu nul. S’en fut courouchiés le conte de Haynnau. Et tout ainsi fu il du chastel de Arleus en Paluiel sur le marche d’Ostrevant et de Douay. Ces trois choses estoient assez nouvelles entre le roy de France et le conte de Haynnau ; si n’en amoit point le roy, et bien disoit qu’il luy renderoit, quant il querroit à point.

CHAPITRE LXXXVIII.

Or revenons à nostre matière de devant. Quant les messages du roy d’Engleterre eurent le conseil et response du conte de Haynnau, si se tinrent bien content ; et disent que moult grant merchis ; et que par son conseil il useroient delà en avant.

CHAPITRE LXXXIX.

Et quant il eurent grandement esté festié par cinq ou six jours, il se partirent et s’en alèrent à le Vure en Brabant ; et là trouvèrent le duc qui courtoisement les rechupt, pour l’amour du roy d’Engleterre à qui il estoit cousin germain. Si lui contèrent tout leur message de point en point. Et sur ce leur respondy le duc, que il estoit si tenus au roy par linage, que falir ne lui devoit par raison. Si leur promist ayde de luy et de tout son pays, de quanques il porroit. De ce furent les messages moult joieux.

CHAPITRE XC.

De là s’en alèrent en Guerles, et trouvèrent le duc qui leur promit et habandonna luy et son pays et tout son pooir. Après ce qu’ils eurent ainsi besongniet, retournèrent en Engleterre, et reportèrent les nouvelles comment il avoient exploitié en l’un pays et en l’autre. Quant le roy d’Engleterre oy ce que ses messages lui raportèrent, et le bonne volenté que ces trois princes avoient de luy conforter à son fait, il en fu moult lies. Et sur le conseil du conte de Haynnau s’arrestèrent que hastivement il envoièrent devers le roy d’Alemaigne. Si y envoya ung prélat et trois grans barons pour traitier ceste besongne. Si enprinrent ceste besongne l’évesque de Nicolle, le sire de Stanfort, le seigneur de le Ware et le sire de Mitone. Si montèrent en mer en le Tamise à Londres, et singlèrent tant qu’ils vinrent en Holandes, à Doudrech. Si furent là deux jours. Au tierch montèrent à cheval. Si chevaucèrent tant qu’ils vinrent en Alemaigne à Convelence, là où l’empereur et l’emperesse estoient, qui grandement les rechurent et festièrent.