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RÉDACTION PRIMITIVE

en la ville d’Ippre en garnison, et le conte de Sulfort, pour faire paine à ceulx de Lille et de là entour. Et quand il eut ordonné toutes ses besongnes, il prist congiet à la royne et aux Flamens et à Artevelle. Si y laissa monseigneur Robert d’Artois, et se mist en mer pour aler viseter son pays, où il n’avoit esté il y avoit près de deux ans, et espécialment pour regarder sur le marche d’Escoce, car il redoubtoit plus à ce costé là que à nul des aultres. Si se hasta entre luy et tous ses prinches, tant qu’ils furent à Londres, où ils furent rechupt à grant joie, en l’an mil trois cent et trente neuf.

CHAPITRE CLXXVIII.

Or vous conterons du roy de France qui estoit retrais vers Paris et avoit toutes ses gens donné congié. Si fist moult fort renforcier sa navie qu’il avoit sur mer, dont messire Hue Kieret, Barbenaire et Bahucet estoient cappitaines. Et tenoient foison de Normans et de bidaux et de Jenevois, qui couroient sur mer et faisoient pluiseurs dommages aux Englès. Et conquist ceste armée la belle grosse nave qui avoit tant cousté au roy Englès, que on appeloit Christophe ; et estoit plaine de laines et de gens. En ce meisme temps rapassèrent la mer en Escoce le conte de Moret et messire Willame de Douglas, pour ce qu’ils savoient que le roy Englès estoit rapassés, et ils ne savoient qu’il pensoit. Avec eulx passèrent deux cens compaignons françois, pour querre leurs aventures, par le congiet du roy de France. De quoy le sire d’Aubigny et messire Ernoult d’Andrehen estoient capitaines.

CHAPITRE CLXXIX.

Encore parlerons comment le roy de France advisoit comment il se poroit vengier de ceulx qui marcissoient à lui, qui avoient esté ses annemis, tels que le duc de Brabant et monseigneur Jehan de Haynnau. Si mist sus environ cinq cens armures de fer, et leur commanda qu’ils entraissent en la terre de Chimay et mésissent tout en feu et en flamme. Adont messire Jehan de la Bove et le visconte de Chalons, qui en furent meneur à toute leur route, y alèrent et boutèrent le feu à tous lez ; et vinrent une matinée devant Chimay. Si aqueullirent le proie et ardirent les faubourgs, sy que les flamesques en vinrent dessus la ville. Adont ceulx de Chimay sonnèrent leurs cloques ; si s’armèrent et vinrent vistement aux portes, en monstrant visage de deffence. Mais les François n’avoient talent d’assalir ; ains s’en retournèrent arrière, et en ralèrent tout ardant le plat pays monseigneur Jehan de Haynnau, jusques à Vreving en Thérasse ; et là partirent leur pilage. Quant les nouvelles de ce dommage vinrent à monseigneur Jehan de Haynnau, qui estoit adont à Valenchiennes, il en fu durement courechiés, et ce fu raison ; et aussi fu messire le conte son nepveu. Dont s’en ala le sire de Beaumont à Chimay réconforter ses gens, et leur promist que ce fourfait seroit temprement amendés.

CHAPITRE CLXXX.

En ce temps vinrent ceulx de Cambray à Relenghes une forte maison qui se tenoit adont de monseigneur Jehan de Haynnau ; et le gardoit de par lui messire Jehan son fil bastard, et avec lui environ trente armures de fer ; et l’assaillirent ung jour toute jour ; mais trop bien ils se deffendirent. Adont ceulx de Cambray se partirent, mais ils leur promirent bien que lendemain ils retourneroient, si forts qu’ils les aroient. Sur ce les compaignons regardèrent que le forteresse n’estoit mie à tenir contre une telle bonne ville ; car encore estoient les fossés si engelés que seurement on pooit bien aler jusques aux murs. Si se partirent environ mie nuit, et prinrent leurs baghes ; si vinrent à Boucain, et lendemain à Valenchiennes. Et ceulx de Cambray ne s’oublièrent point, mais revinrent ; si le trouvèrent toute wide. Adont le prinrent et l’abatirent, et firent mener le pierre à Cambray.

CHAPITRE CLXXXI.

Vous devez savoir que tout ce temps, de par le roy de France, estoit messire Godemars du Fay capitaine à Tournay et des forteresses d’environ ; et estoit le sire de Beaugeu à Mortaigne, le sénescal de Carquasone à Saint-Amand, messire Aymars de Poitiers à Douay, messire Galois de la Bame, le sire de Martel, le mariscal de Mirepoix et le sire de Villars en la cité de Cambray. Si ne désiroient ces seigneurs trestous, fors qu’ils peuissent courre en Haynnau pour pillier. Aussy l’évesque de Cambray y rendoit