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D’UNE PARTIE DU PREMIER LIVRE.

nez vous en de par Dieu. » Dont prist congié le conte au roy et à son oncle d’Alençon, au roy de Behaigne et à pluiseurs autres et s’en revint arière, à toute sa route, disner à Landrecies et au Quesnoit au giste.

CHAPITRE CLXXIV.

Or parlerons du roy d’Engleterre et de ses aloiés qu’ils devinrent, car le roy de France ne les sieuvy plus avant, ains s’en rala à Saint-Quentin, et là donna à toutes ses gens congiet, et les garnisons d’en raler où ils estoient ordonnés par avant. Lendemain au matin, se mirent ensamble au conseil le roy d’Engleterre et tous les seigneurs, et conseillièrent quel chose il feroient. Si eurent accort que toutes gens s’en ralaissent en leurs lieux. Dont s’en ralèrent les Almans ; et s’en rala le roy avec le duc à Brouxelles ; et là se rafresquirent ; et ordonnèrent ung grant parlement, là où fu Artevelle et le conseil des bonnes villes de Flandres. Et là leur remonstra le roy d’Engleterre que, s’ils lui voloient aider à parmaintenir sa guerre, il leur feroit avoir Douay et Béthune qui jadis avoient esté de Flandres. Sur ce eurent Flamens grant délibéracion de conseil, pour tant qu’ils estoient jadis obligié, sur une grant mise de florins, à le cambre du pappe, qu’ils ne pooient faire guerre contre le roy de France qu’ils ne fuissent attains en celle somme ; mais se le roy d’Engleterre voloit faire une chose : qu’il s’appelast roy de France et volsist enquerquier les armes de France à porter, il le tenroient pour roy et obéyroient à luy, et l’aideroient à leur pooir à joir du royalme ; et par ainsi ne se fourferoient point en la somme des florins ; car le roy de France et d’Engleterre leur pooit quitter.

CHAPITRE CLXXV.

Sur ces requestes le roy prit conseil, car grant besoing lui estoit d’avoir l’ayde des Flamens ; et se lui estoit pesant à emprendre les armes de France à porter, qui encores n’y avoit riens conquis qui fesist à tenir. Si se porta le conseil que, s’ils lui voloient jurer et sajeller de aidier sa guerre à maintenir, s’il emprendroit ce que dist estoit, il leur aroit en convent de faire ravoir Lille, Douway et Béthune ; et ils disent que oyl. Si fu assigné certain jour de parlement à Gand, qui se tint, là où fu le roy d’Engleterre, le duc de Brabant, et tous les prinches et les seigneurs Almans qui estoient ses aliés. Et d’aultre part y furent tous les bourgois et conseil des bonnes villes et du Franc de Bruges. Si furent là remonstrées et proposées toutes les choses dessus dittes ; et furent lettres scellées, des Flamens d’une partie, et du roy d’aultre. Et par ces poins, là endroit enquerqua le roi d’Engleterre les armes de France esquartelées d’Engleterre, et emprist le nom du royalme de France, jusques à tant qu’il les laissa par certaines composicions, ainsy comme vous orez cy après[1].

CHAPITRE CLXXVI.

À ce parlement eut moult de choses consilliées et retournées. Et touttes voies fu-il accordé de tous les seigneurs qui là estoient, qu’ils feroient grant guerre en France ; et par espécial parmy l’aide des Flamens, qu’ils aségeroient Tournay ; car s’ils l’avoient, de légier ils aroient Lille, Douay et Béthune, et courroient de jour en jour le royalme si avant qu’ils voiroient, Flamens et Brabençons qui estoient aliés ensamble, et metteroient paine qu’ils euyssent le pays de Haynnau d’accord avec eulx. Si en seroit leur guerre plus belle. Mais le conte de Haynnau, qui bien avoit esté priés du roy d’Engleterre d’estre à ses parlemens, s’escusoit tousjours ; et disoit que jà ne feroit chose qui fust contre le roy de France son oncle, se premiers on ne lui avoit fourfait. Adont se partirent tous les seigneurs, et s’en ralèrent chascuns en leurs lieux, et le roy d’Engleterre leur pria moult de bon cuer que, quant il les semonroit qu’ils fuissent apparilliés ; et ils lui eurent ainsi en convent.

CHAPITRE CLXXVII.

Encore depuis ce parlement, se tint le roy d’Engleterre en Flandres, alant de bonne ville à aultre, pour aprendre les gens à congnoistre, et eulx lui. Et par le conseil Jaquemon d’Artevelle fist venir la roynne sa femme à Gand ; et tinrent leur hostel en l’abbaye Saint-Pierre ; et là estoient souvent viseté des dammes et de bourgoises de Gand. Et pour plus grant signe d’amour monstrer à eulx, le roy fist venir le conte de Salseberich

  1. À la paix de Bretigny 1360, après laquelle Froissart partit pour l’Angleterre.