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RÉDACTION PRIMITIVE

lui amenroit soixante mille Flamens, armés aux frais du pays. Dont dist le conte : « Grant mercis. »

CHAPITRE CLXXXVI.

À ce parlement à Mons furent tous ceulx du pays qui au conseil appartenoient, et aussi de Hollandes et de Zélandes. Et là, devant tous, remonstra le conte le dommage et le despit que on lui avoit fait, sans desfiance et sur les grans services qu’il avoit au roy ; dont il se plaindoit à tous ses amis, et prioit qu’il en fust conseilliés et aidiés. Dont y eut moult de parolles retournées ; tant que le seigneur d’Engien, le seigneur de Barbançon et le seigneur de Lingne consilloient que on envoiast devers le roy assavoir se il estoit innocent du fait, et s’il le voloit faire amender, vu qu’il en fust cause. Mais ce conseil ne peut estre oys, car messire Jehan de Beaumont, qui estoit le plus grant après le conte, brisoit ce propos et disoit : « Ne plaise Dieu que nous nous abaissons tant, que, sur deux grans despis que on a fait en nostre pays de Haynnau, nous requérons nul moïen. Car nous sûmes gens assez et fors pour nous vengier ; et se poons entrer au royalme, auquel lez qu’il nous plaist. » Et le conte s’enclinoit moult à le guerre ; car l’arsure de la terre de Chimay lui faisoit moult mal ; et encore lui desplaisoit plus celui de Haspre. Finablement il fu accordé de tous que le roy de France et son royalme fust desfiés. Et si fu avisé qui seroit tailiés de ce message faire. Et par commun accord fu esleu l’abbé de Crepin, qui estoit appellés Thiébault. Se fu priés des desfiances porter ; et il respondy qu’il yroit volontiers. Les desfiances furent escriptes et scellées du conte et de tous ses barons, et baillées à dant abbé ; lequel se party assez brief ; et tant exploita par ses journées qu’il vint à Paris et trouva le roy. Si fist son message bien et à point et lui bailla les lettres. Le roy les fist lire, qui grant conte n’en fist mie ; et respondy que son nepveu étoit un fol, et son pays encore plus quant il le créoit.

CHAPITRE CLXXXVII.

Après la revenue dant abbé, le conte fist son mandement de tous les nobles du pays et de tous fievés à estre à Mons ; et tantost envoia saisir et prendre Avesnes, Landrecies et le chastel de Sasogne qui estoit au conte de Blois, et y mist garnisons de par lui. D’autre part, messire Jehan de Haynnau, fist sa semonse à Beaumont et eut bien quatre cens lances. Adont se party le conte en grant aroy. Et firent les mariscals ordonner leur caroy vers Nivières pour passer le Sambre ; et s’en alèrent vers Beaumont et vers Chimay ; car c’estoit leur entente d’entrer vers le Tierache et aler vers Aubenton et en la terre du seigneur de Vrevin et de Beaumont, qui couru avoient la terre de Chimay. Si passèrent toutes gens parmi Fagnes et les bos de Chimay. Si se herbégèrent les seigneurs en la ville, et le plus tout autour, au dehors. Bien se doubtoient ceux d’Aubenton du conte de Haynnau et de son oncle ; et l’avoient signifié au bailli de Vermandois que il leur volsist envoyer gens pour leur ville garder, qui bien en avoit besoing, car elle n’estoit fortefiée fors de palis. Si y envoia le bailli, monseigneur Jehan de Beaumont, le vidasme de Chalons, monseigneur Jean de la Bove, le seigneur de Lore, et les chevaliers et escuiers de là entour, tant qu’ils estoient bien trois cens armures de fer, sans ceulx de la ville et du pays environ. Non pourquant les seigneurs qui y estoient disoient à ceulx de la ville que bien le pensoient à tenir et à garder, mais qu’ils fuissent bonnes gens avec eux.

CHAPITRE CLXXXVIII.

Par ung vendredy au matin, se partirent les Haynnuiers de la ville de Chimay, et passèrent les bos ; et exploitèrent tant qu’ils vinrent à Aubenton, qui estoit grosse ville et bien drappière. Les Haynnuiers se logèrent assez près, et avisèrent auquel lez elle estoit plus prenable. Lendemain vinrent tous ordonnés pour assalir, les banières devant eulx et tous leurs arbalestriers ; et se mirent en trois parties. Le conte fist par lui sa bataille et le plus grande ; messire Jehan son oncle le seconde ; le sire de Franquemont eut le tierce et avoit plenté d’Alemans. Quant ceulx de dedens virent que ainsi on s’apparilloit d’eulx assalir, ils se ordonnèrent aussi en trois lieux. Lors firent ceulx du dehors sonner leurs trompettes, et assalir la ville bien asprement ; et faisoient traire les arbalestriers à l’aprochier. Le conte de Haynnau et sa routte vinrent à l’une des portes, jusques aux bailles ; et là estoit le vidasme de Chalons, ung hardi chevalier et appers ;