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D’UNE PARTIE DU PREMIER LIVRE.

et là fit trois de ses nepveux chevaliers. Là eut ung très grant assault et pesant. À l’autre porte vint messire Jehan de Haynnau et sa bataille ; et là estoit messire Jehan de Beaumont et le sire de la Bove qu’il n’amoit gaires, car il avoit esté à ardoir sa terre de Chimay. Se désiroit le assault et le bataille à lui ; se le fist dur et mervilleux. À l’autre porte estoient Alemans et Brabençons, dont le sire de Franquemont estoit chief ; et là estoit le sire de Lore et pluiseurs autres qui vaillamment se déffendirent. Là y eut trait et lanchiet, et fait grans fais d’armes. Si crioit-on : « Haynnau ! Haynnau ! » en plusieurs lieux. Là s’avançoient chevaliers et escuiers fièrement. Et peut-on bien recorder que Aubenton fu radement assailli, et moult noblement deffendue ; car moult y eut fait d’armes. Là en y eut pluiseurs qui rampoient amont, bien armés et targiés, qui moult prestement estoient rabatus et reboutés aval, atout haces et cuignies en leurs mains pour effondrer les palis. Ce samedy au matin, fu li assault grans et dolereux. Et finalement messire Jehan de Haynnau conquist les bailles et le porte à son lez, et entra ens à grant huée. Dont vinrent les nouvelles au visconte de Chalons que le porte estoit conquise. Dont il fit retraire ses gens tout bellement ; et se vint rassambler devant le moustier ; et là eut dure bataille et mortelle, car messire Jehan de Haynnau y vint à grant compaignie ; et là fu prins le sire de Lore, le sire de Vendocule et le sire de Saint-Martin ; et y morurent deux des nouveaux chevaliers, nepveux au visdame, et le tiers fu prins. Mais le visdame se salva, car il monta à cheval ; et ossi fist messire Jehan de Beaumont et messire Jehan de la Bove. Mais quant messire Jehan de Haynnau sceut que ses annemis s’enfuioient, ceux que plus il désiroit à avoir, si monta à cheval ; et cacha ses annemis jusques aux portes de Vrevins. Et quand il vit qu’ils lui estoient escappés, ils mirent tout à l’espée, quanqu’ils encontrèrent du pays ; et revint à Aubenton où estoient touttes leurs gens. Et jà estoit tout pilliet, laines et draps, et tout l’autre avoir ; et tout toursé sur les carois pour mener vers Chimay. Et quant ils eurent fait leur volenté de le ville, ils boutèrent le feu ens, et ardirent tout, qu’il n’y demoura une seulle maison. Ce soir logèrent-il sur le rivière, et lendemain ils chevaucèrent vers Mauber-Fontaine.

CHAPITRE CLXXXVIX.

Après le destruccion d’Aubenton, fu destruit Signy le grand et le petit ; et des hamiaulx de là entour, ars et destruis plus de quarante ; et puis retournèrent en Haynnau. Si donna le conte à ses gens congiet pour ceste fois. Si s’en rala chascun en son lieu, et son oncle de Beaumont s’en rala moult joieu. Si retourna le conte à Mons, pour avoir advis comment il acquerroit amis à tous lez, pour mener sa guerre à l’esté encontre François. Et ainchois qu’il se partist du pays, il ordonna et garny les fors et les bonnes villes ; et par espécial il mist monseigneur Jehan de Haynnau son oncle, alant et venant par le terre, avec quatre chevaliers : le sire d’Antoing, le seigneur de Waregny, le sire de Vertaing et monseigneur Henry de Hufallise. Après il mist au Quesnoit le sire de Fauquemont à cent armures de fer. Il mist à Landrecies le sire de Pottielles, à Avesnes le sire de Montigny-Saint-Christophe, à Maubeuge monseigneur Tiery de Wallecourt mariscal de Haynnau, à cent hommes d’armes. Après il mist à Bouchain trois chevaliers almens, qui tous trois avoient à nom Conrart, qui bons chevaliers estoient ; à Escaudemire il mist messire Gérart de Sassegnies ; à Thun-l’Évesque messire Gérart de Limosin, bons chevaliers Englès ; avec lui les deux frères de Maugny, Jehan et Thiery ; ou chastel de Rieullay le sire de Rousne et le sire de Goullesmes ; et les autres forteresses recommanda-il aux autres barons de son pays, qui y entendissent ensy que pour leur honneur et le sienne. Et ainsi ordonna monseigneur Jehan son oncle, bail et gouverneur du pays de Haynnau jusques à son retour. Assez tost après il se party, et s’en ala par devers l’empereur qu’il trouva à Coulongne, qui le rechupt à moult grant joie ; car l’empereur avoit sa seur. Si retournerons ung petit à parler du roy de France.

CHAPITRE CXC.

Quant le roy de France ot oy les nouvelles que les Haynnuiers avoient ars le Théraisse, pris et occis ses chevaliers, et destruit la bonne ville de Aubenton, sachiés qu’il ne le prist mie en pascience ; mais commanda à son fil, le duc Jehan de Normandie, qu’il mesist sus une grosse chevaucie et s’en venist en Haynnau ; si atournast