Aller au contenu

Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
511
DE SIRE JEAN FROISSART.

Ses Chroniques nous donnent des détails plus circonstanciés sur quelques-uns des événemens de sa vie. Je distribue ici, par ordre chronologique, tout ce que j’ai pu y retrouver de faits personnels.


Il commence à écrire son histoire en 1357, à l’âge de vingt ans.

Si ay toujours à mon pouvoir enquis et demandés du fait des guerres justement et des aventures qui en sont avenues, et par espécial depuis la grosse bataille de Poitiers (en 1356), où le noble roi Jean de France fut pris ; car devant ce j’étois encore moult jeune de sens et d’age. Et ce nonobstant, si empris-je assez hardiment, moi issu de l’école, à rimer et à dicter les guerres dessus dictes, et pour porter le livre en Angleterre tout compilé, si comme je fis.

(T. i, p. 1 et 2.)

Et pour vous informer de la vérité, je la commençai jeune, dès l’âge de vingt ans, et si suis venu au monde avec les faits et les avenues, et si y ai toujours pris grand’plaisance, plus que à autre chose.

(T. iii, p. 1.)

Sachez que sur l’an de grâce 1390, je y avois labouré trente-sept ans[1].

(T. ii, p. 601.)

Jean Le Bel lui sert de guide dans ses premiers travaux, qu’il compléta par ses propres renseignemens.

Je, Jean Froissart, commence à parler après la relation de monseigneur Jean le Bel, jadis chanoine de Saint-Lambert de Liége.

(T. i, p. 3.)

Je me vueil fonder et ordonner sur les vraies chroniques, jadis faites et rassemblées par vénérable homme et discret seigneur monseigneur Jehan le Bel[2] chanoine de Saint-Lambert de Liége, qui grant cure et toute bonne diligence mist en ceste matière ; et la continua tout son vivant au plus justement qu’il pot ; et moult lui cousta à acquerre et à l’avoir. Mais quelques frais qu’il y eust ne féist, riens ne les plaingny, car il estoit riches et puissant, si les povoit bien porter.

(T. i, p. 1.)

Il porte son livre, en 1361, à la reine d’Angleterre.

Et présentai adonc ce livre à très haute et très noble dame, madame Philippe de Hainaut, roine d’Angleterre, qui liement et doucement le reçut de moi, et m’en fit grand profit.

(T. i, p. 2.)

Je vous recorderai à la lettre ce dont je, Jean Froissart, auteur et chroniseur de ces chroniques, en mon jeune âge, ouïs une fois parler, en un manoir qui sied en une ville à trente mille de Londres, quon appelle Berquemestede (Berkhamstead) ; et étoit, pour le temps que je parole, la ville et manoir et seigneurie au prince de Galles ; ce fut l’an de grâce 1361. Je, qui pour lors étois espoir en l’âge de vingt-quatre ans et des clercs de la chambre de ma dite dame la roine, ouïs, séant sur un banc, un ancien chevalier parler et deviser aux dames et damoiselles de la roine et dit ainsi : « Il y a en ce pays un livre qui s’appelle le Brut, etc. »

(T. iii, p, 333.)

Le premier an que je vins en Angleterre et au service du noble roi Édouard et de la noble roine Philippe et tous leurs enfans, qui pour lors avoient été à Berkhamstede, un manoir du prince de Galles séant outre Londres trente milles, et pour prendre congé au prince et à la princesse qui devoient aller en Aquitaine, ainsi qu’ils firent, là ouïs dire un ancien chevalier qui se nommoit messire Betremiens de Bruwes (Burghersh), qui parloit et devisoit aux damoiselles de la roine, lesquelles étoient du Hainaut, et devisoit ainsi : « Nous avons un livre en ce pays qui s’appelle le Brut, et devise, que jà le prince de Galles, ains-né fils du roi, ni le duc de Clarence, ni le duc de Lancastre, ni le duc d’Yorch, ni le duc de Glocestre, ne seront point rois d’Angleterre, mais retournera la couronne en l’hôtel de Lancastre.

(T. iii, p. 369.)

De ma jeunesse j’avois été nourri en la cour et hôtel de noble roi Édouard de bonne mé-

  1. Ce qui reporte son travail personnel vers 1363 : jusque là il avait travaillé sur les travaux des autres, revus par lui.
  2. Jean Le Bel était allé en Angleterre avec Jean de Hainaut, en 1326, et est mort âgé de quatre-vingts ans. (Voyez la note à la suite de cette Biographie.)