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DE SIRE JEAN FROISSART.

furent venues, le mariage des deux jeunes enfants se confirma ; et furent conjoints en l’église cathédrale de Saint-Étienne de Bourges. ..... À ces noces eut grandes fêtes et grandes joutes. ..... Puis prirent congé au duc et à la duchesse de Berry, et retournèrent à Blois.

En ce même an 1386, Jean de Berry, comte de Montpensier épousa Marie de France seur du roy Charles.

En cette année même la duchesse de Berry et Marie de France[1] ...... vinrent en la ville de Blois voir le comte ......... et furent bien recueillis. ........

À toutes ces choses dont je parle, je fus présent

(T. iii, p. 677.)


Il a composé plus tard (en 1389) une pastourelle sur ce mariage.

PASTOURELLE.

Assez près de Roumorentin,
En l’ombre de deus arbrisseaus,
Vi l’autre jour en un gardin,
Pastourelles et pastoureaus,
Et là ordonnoient entre eaus
Chapelès de belles flourettes.
Et là oy deus bregerettes,
Dire tout hault à leurs amis :
« Se sus les chiés vous aviés mis
Ces chapiaus, en arions gré. »
Or à ce respont Fouqueré :
« Donne moi ent un, je t’en pri :
Je m’en irai de coer joli
À Bourges véoir, car c’est drois,
La pastourelle de Berri
Avec le pastourel de Blois. »

Respont ceste : « Par Saint Martin !
Se tu voes qu’il soit bons et beaus,
Et loués de filet de lin
Qui fu pris ou marchié à Meaus,
Et qu’encor y ait trois houpeaus
De flours blanches et vermillettes,
Ou qu’il soit tous de violettes,
Ensi que je te l’ai promis,
Tu me diras tout ton avis,
Pourquoi ores tu as parlé,
Ne que te moet en volenté,
De maintenant partir de ci
Et d’aler ent, sans nul détri,
Véoir à Bourghes ceste fois,
La pastourelle de Berry
Avec le pastourel de Blois. »

« Belle, dist cils, par Saint Martin !
Point ne me sera li chapeaus
Retollus, pour dire ent la fin.
C’est uns mariages nouveaus,
Où moult gens sera li reveaus
De bacelers et de fillettes ;
Et seront les noces estrettes
De lyons et de flours de lys.
Li mariés a nom Loys.
Il est de Haynau d’un costé
Et de Flandres pour vérité,
Et s’est fils au bon conte Gui
De Blois. Si ques, pour bien te di,
Véoir vendras, se tu m’en crois,
La pastourelle de Berry
Avec le pastourel de Blois.

« On aura là et pain et vin,
Gras moutons, cabrils et agneaus ;
Si nous y portons un cretin
Nous aurons des bons glous morseaus. »
— « Haro ! ce respondi Anseaus,
Reponre me fault. Mes germettes,
Mes moutons et mes brebisettes.
Se je les perd, je suis honnis. »
— « Va, meschant, ce dist Aloris,
Tu as trop simplement visé ;
Ce sont seignour tant honnouré,
Si hault, si noble, et si garni
Que tout en serons enrichi ;
Tous biens nous donront en ce mois
Le pastourelle de Berry
Avec le pastourel de Blois. »

— « C’est voirs, dist la fille à Robin,
Or vestons donques nos jupeaux,
Et alons là le bon matin ;
Osi emportons nos freteaus,
Nos muses et nos canimeaus,
Et pas n’oublions nos holettes,
Ne nos panetières bien fettes.
Les signours en auront grans ris ;
Car aussi ai-je jà apris
Qu’à Cambray se sont espousé,
Frère et soer, soer et frère né
De Bourgogne et Haynau aussi
Dont nous sommes tout resjoy.
Tous ce diront à hautes vois
La pastourelle de Berry
Avec le pastour de Blois.

Princes, quant de là me parti,
En ordenance je les vi
Pour venir véoir trois et trois
La pastourelle, etc.
Avec le pastour de Blois.


  1. Marie de Berry et Louis de Blois sur le mariage desquels il a écrit, à Bourges, la pastourelle que je vais rapporter.