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DE MESSIRE JEAN FROISSART.

léon à moi : « Messire Jean, que dites-vous ? Êtes-vous bien informé de ma vie. J’ai eu encore assez plus d’aventures que je ne vous ai dit, desquelles je ne puis ni ne vueil pas de toutes parler. » — « Par ma foi, dis-je, sire, oui..... »

(T. ii, p. 411.)


De l’état de l’affaire et ordonnance du gentil comte Gaston de Foix ne peut-on trop parler en tout bien ni trop recommander, car pour le temps que je fus à Ortais, je trouvai tel et outre dont je ne puis mie de tout parler ; mais je sais bien que, par le temps que je y fus, je y vist moult de choses qui me tournèrent à grand’plaisance ; et là vis seoir à table le jour d’un Noël quatre évêques de son pays, les deux Clémentins et les autres deux Urbanistes.....

Et vous dis que grand’foison de ménestrels, tant de ceux qui étoient au comte que d’autres étrangers, avoit en la salle, qui tous firent par grand loisir leur devoir de leur menestrandie. Et ce jour le comte de Foix donna, tant au menestriers comme aux hérauts, la somme de cinq cens francs, et revêtit les menestriers du duc de Tourraine qui là étoient de drap d’or et fourré de fin menu vair ; lesquels draps furent prisés à deux cens francs ; et dura le dîner jusques à quatre heures après nonne.

Et pour ce parole je très volontiers de l’état du gentil comte de Foix, car je fus douze semaines en son hôtel, et très bien administré et délivré de toutes choses. Et durant le temps que je fus à Ortais je pouvois apprendre et ouïr nouvelles de tous pays, si je voulois, des présentes et des passées. Et aussi le gentil chevalier messire Espaing de Lyon, en laquelle compagnie je étois entré au pays et auquel je m’étois découvert de mes besognes, m’accointa de chevaliers et d’écuyers qui me savoient recorder justement ce que je demandois et requérois à savoir.

(T. ii, p. 414.)


En ce temps se tenoit messire Louis de Sancerre, maréchal de France, en la Languedoc, en la marche de Toulouse et de Carcassonne ; et savoît bien le traité qui étoit fait entre le duc de Berry et le comte de Foix, pour le mariage de la fille au comte de Boulogne que le duc de Berry vouloit avoir, quoique la damoiselle fût moult jeune. Si eut affection le maréchal de France de venir voir le comte de Foix : et crois, selon que je fus informé de ses gens a Ortais, car là me trouva-t-il environ la Noël quand il vint, que le roi de France l’y envoya. Je vous dirai a quelle instance.....

(T. ii, p. 755.)


Ainsi s’ébattirent ensemble, le terme que le maréchal de France fut là, le comte de Foix et le dit maréchal ; et, quand il prit congé, le comte de Foix lui fit donner un très beau coursier, et un très beau mulet, et un très beau roncin, tous ensellés très richement, et à messire Robert de Chalus qui là étoit et à messire Guichard Dauphin, et aux chevaliers et écuyers du maréchal, et espécialement aux chevaliers, à chacun deux cens francs, et, à chacun écuyer cinquante francs. Donc prit le maréchal congé pour retourner vers Toulouse ; et je voulois aussi retourner avecques lui, mais le comte de Foix ne le voult pas consentir ; et me dit que je demeurerois encore. Si me convint demeurer et attendre sa volonté.....

(T. ii, p. 755.)


Il assiste à une joute à Bordeaux en 1389 et revient à Orthez.

En ce temps, et environ l’an renouvelant, y eut à Bordeaux sur Gironde un appertise d’armes, devant le duc de Lancastre, de cinq Anglois de l’hôtel du duc et de cinq François, dont les aucuns étoient de l’hôtel du maréchal de France… Et vous dis que, pour voir ces armes faire, plusieurs chevaliers et écuyers de Béarn, et de l’hôtel du comte de Foix se mirent au chemin ; et je me mis en leur compagnie deux bonnes journées ; car d’Ortais jusques à Bordeaux, il n’y a que vingt et quatre lieues. Et vîmes les armes faire, qui furent faites à Bordeaux, en la place devant Saint-Andrieu, présens, le duc de Lancastre, la duchesse et leur fille, et les dames et damoiselles du pays, dont il y en avoit grand’foison… Ainsi se portèrent ces armes ; et puis se départirent toutes gens, et se mirent au retour, chacun s’en r’alla en son lieu.

(T. ii, p. 756.)


Il quitte le comte de Foix après une visite de trois mois, et retourne en France en la compagnie de la duchesse de Berry.

Ces ambassadeurs s’ordonnèrent pour partir, et l’évêque d’Autun en leur compagnie ; et fut la finance mise en sommiers ; et s’en chevauchèrent tous ensemble, et cheminèrent tant que ils entrèrent en Béarn et vinrent à Morlens. Tout le