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DE MESSIRE JEAN FROISSART.

Constantinoble et Hermenie,
Alemagne, Bar, Hongerie,
Lancastre, Herbi et Mortemer ;
Et puis leur oy rassambler,
Vivres, fasses, chiés et labiaus,
Bendes, bares, peus et aigliaus,
Coquilles, hamecès et crois ;
Et encore y nommoit Buriaus
Les armes de Berne et de Fois.

Adonques vi un bregier grant,
Qui s’appelloit Ogier Louviere,
Qui salli tantost en estant,
Et mist main à une aloière,
En disant : « Seignour, par saint Père !
Je puis parler de tels cas,
Car mon père, seignour Thomas,
En fu ouvriers toute sa vie.
Et tant servi chevalerie
Qu’y aprist à blasonner.
Et encores, pour l’esprouver
Tenés, velà en deus fardeaus,
Banières et escuçons beaux.
Or regardès dedens les plois ;
Se point trouverés entre ceauls
Les armes de Berne et de Fois.

Adont vi un bregier normant,
Qui tronca tantos la banière
D’un fardiel, et dist en riant :
Oh ! par sainte Genevière !
Ve-le-ci d’armoierie cière,
Ouvrées sus bon camoucas !
Beau seignour, or n’oubliès pas ;
Le vaillant contre qui se crie.
La ducoise de Normandie,
Et ceste d’Orliens c’est tout cler,
Por un jour les vies sauver,
En France en la cité de Meauls,
En batailles et cembiaus,
A-t-on bien vu pluisours fois,
En banière et en pennonciaus
Les armes de Berne et de Fois.

Adont dist la fille Engherant :
« Feroit on riens à ma proyère
De quoi, devîsèmes errant,
De l’armoierie la manière ? »
« Comment les voes-tu ? en banière ?
Respont Anseaus, tu les auras.
Le champ est d’or ; c’est uns beaus draps ;
Mais d’Arragon il se champie,
Car il en descend de lignie ;
Si les poet et doit bien porter.
Et Berne est, au voir ordener,
De deux vaches en rouges peauls
Passans, et à leurs hateriaus
Ont esquières d’asur ; c’est drois.
Or va fais paindre en tes supeaus
Les armes de Berne et de Fois.

« Princes, encor li dist Anseaux,
On t’a bien taillié tes morseaux.
Par raison ores lu cognois,
Se plus lourde n’es qu’uns vaneaux
Les armes de Berne et de Fois. »


1389. — Il composa une pastourelle sur le mariage du duc de Berry avec Jeanne de Boulogne, qui se célébra en sa présence à Riom en Auvergne.

PASTOURELLE.

Assés près dou castiel dou Dable,
Li quels est au conte Daufin,
Vi l’autr’ier ordonner leur table
Bregbieres et breghièrs, afin
Que sus n’avoit pieument ne vin,
Mès pain et sel, aus et ongnons.
Dist li uns : « Beau seignour, buvons
De la fontaine qui sourt ci.
Bien devons estre resjoy
Et mettre arrière toute songne
Pour le pastourel de Berry
Et la pastoure de Boulongne.

C’est chose toute véritable,
Car à Rion fui hier matin.
Là vi en estat honnourable
Ceuls qui sont estrait de hault lin.
Pas n’estoient vesti de lin,
Mès de garnemens beaus et bons.
Là vi chevaliers et barons,
Dames, damoiselles aussi ;
Et bien sçai que quanque là vi
Fait estoit sans mot de mençongne
Pour le pastourel de Berry
Et le pastour de Boulongne.

— « C’est voir, ce dist la fille Orable,
Car l’autre jour mist son roncin
Uns escuyers en nostre estable,
Qui sievoit auques le chemin ;
Et oy que chevalier fin
Des quels il me nomma les noms,
En ont travillié vauls et mons.
S’Ausoerre nomma, je t’afi,
Rivière, La Tremoulle, Assi.
Cil quatre ont mené la besongne.
Pour le pastourel de Berry
Et le pastour de Boulongne.

Encores me dist un notable,
« Li escuiers en son latin
Le quel j’ai moult à agréable ;