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BIOGRAPHIE

Quoique la touse ait à cousin
Le pape qui a maint florin
Et qui poet donner de beaus dons ;
Se l’a gardé uns puissans homs,
Li contes de Fois, et nouri
Environ noef ans et demi ;
En ce n’a blasme ne virgongne
Pour le pastourel de Berry
Et le pastour de Boulongne.

« Signour, ce dist Robins Coursable,
La chose vient à bonne fin,
Et se nous est moult honnourable
Quant Boulongne aurons à voisin :
Or voeil cote de camelin
Faire ; j’ai tondu mes moutons,
Et vous pris que nous en alons
À Rion ; j’emporte avec mi
Flageot, muse et fretel joli,
Qu’on m’a envoyé de Coulongne
Pour le pastourel de Berry,
Et Ja pastoure de Boulongne.

— Belles, di-je, je vous affi ;
Avecques vous irai aussi
Et si ferai quelque besongne
Pour le pastourel de Berry,
Et la pastoure de Boulongne. »


Il visite à Avignon les reliques de saint Pierre de Luxembourg.

On se pourroit émerveiller de la grand’créance, que ceux du pays de là environ avoient au corps de Saint Pierre de Luxembourg, et des visitations qu’ils y faisoient, et des présens que rois, ducs, comtes, dames et gens de tous états faisoient. Et en ces jours que je fus en Avignon, car par là, pour le voir, je retournai de la comté de Foix, de jour en jour ces œuvres et magnificences s’augmentoient, et me fut dit qu’il seroit canonisé, Je ne sais pas comment depuis il en est avenu.

(T. ii, p. 662.)


Dans la même année, 1389, il va à Bruges et à Middelbourg prendre des renseignement sur les faits appris chez le comte de Foix.

Et véritablement je vous dis, et veuil bien que ceux qui viendront après moi sachent que, pour savoir la vérité de celle histoire et enquerre justement de tout, en mon temps j’en os beaucoup de peine, et cerchai moult de pays et de royaumes pour le savoir ; et en mon temps congnus moult de vailians hommes, et vis en ma présence, tant de France comme d’Engleterre, d’Escosse, de Castille et de Portingal, et des autres terres, duchés et comtés qui se sont conjoints, eux et leurs gens, en ces guerres, auxquels j’en parlai et par lesquels je m’informai, et volontiers. Ni aucunement je n’eusse point passé une enquête faite de quelque pays que ce fût, sans ce que je eusse, depuis l’enquête faite, bien sçu que elle eût été véritable et notable. Et pourtant que, quand je fusse en Berne devers le gentil comte Gaston de Foix, je fus informé de plusieurs besognes, lesquelles étoient advenues entre Castille et Portingal, et je fus retourné au pays de ma nation, en la comté de Hainaut et en la ville de Valenciennes, et je m’y fus rafreschi un terme, et plaisance me prit à ouvrer et à poursuivir l’histoire que je avois commencée, je me advisai par imagination que justement ne le ponvois pas faire, par avoir singulièrement les parties de ceux qui tiennent et soutiennent l’opinion du roi de Castille, et me convenoit donc, si justement voulois ouvrer, ouïr autant bien parler les Portingalois, comme je avois fait les Gascons et Espaignols en l’hôtel de Foix et sur le chemin allant et retournant. Si ne ressoignai pas la peine ni le travail de mon corps, mais m’en vins à Bruges en Flandre pour trouver les Portingalois et Lussebonnois, car toujours en y a grand’planté. Or regardez comment je fis, si c’est de bonne aventure : il me fut dit, et je le trouvai bien en voir, que si je y eusse visé sept ans, je ne pouvois mieux venir à point à Bruges que je fis lors ; car on me dit, si je voulois aller à Melles-de-Bourch en Zélande, je trouverois là un chevalier de Portingal, vaillant et sage homme, et du conseil du roi de Portingal, qui nouvellement étoit là arrivé ; et par vaillance il vouloit aller, et tout par mer, en Prusse. Cil me diroit et parleroit justement des besognes de Portingal, car il avoit été à toutes et par toutes. Ces nouvelles me réjouirent ; et me partis de Bruges avec un Portingalois en ma compagnie, qui connoissoit bien le chevalier, et m’en vins à l’Escluse ; et là montai en mer ; et fis tant, par la grâce de Dieu, que je arrivai à Melles-de-Bourch. Si m’accointa l’homme qui étoit avecques moi du chevalier cy dessus nommé, lequel je trouvai gracieux, sage et honorable, courtois et accointable ; et fus de-lez lui six jours ou environ, et tant comme il me plut à y être environ le jour, car il gisoit là par défaut de vent.