Page:Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/541

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
535
DE MESSIRE JEAN FROISSART.

Dieu ait l’âme du bon connétable de France ! fit ici une fois une belle journée et profitable pour ce pays, dessous la bannière messire Jean de Beuil, car il n’étoit pas connétable, mais étoit nouvellement venu et issu hors d’Espaigne. » Et comment il en advint je le demandai. « Je le vous dirai, dit-il, mais que nous soyons à cheval. » Il monta et nous montâmes ; il commença à chevaucher bellement et puis à faire son conte ainsi comme il en advint…

(T. ii, p. 601.)


Par ceste déconfiture, beau maître, dit le chevalier, fut délivré tout ce pays ici environ, ni oncques depuis n’y eut pillards ni Anglois qui s’y amassèrent : si que je dis que le connétable Bertran fut un vaillant homme en son temps, et moult profitable pour l’honneur du royaume de France, car il y fit plusieurs recouvrances. » — « Par ma foi, sire, dis-je, vous dites voir ; ce fut un vaillant homme et aussi est messire Olivier de Clayquin son frère. »

À ce que je nommai Clayquin le chevalier commença à rire, et je lui demandai : « Sire, pourquoi riez-vous ? » — « Je le vous dirai, dit-il, pourtant que vous avez nommé Clayquin. Ce n’est pas le droit surnom d’eux, ni ne fut oncques, comment que tous ceux qui en parlent le nomment ainsi, et nous aussi bien comme vous qui sommes de Bretagne ; et messire Bertran, lui vivant, y eût volontiers adressé et remédié si il eût pu ; mais il ne put oncques, car le mot est tel que il chiet en la bouche et en la parole de ceux qui le nomment, mieux que l’autre. »

Et adonc lui demandai : « Or me dites, sire, par votre courtoisie, a-t-il grand’différence de l’un à l’autre ? » — « Si m’aist Dieu, nennil, dit-il ; il n’y a autre différence de l’un à l’autre, fors que on devroit dire messire Bertran du Glay-Aquin ; et je vous dirai dont ce surnom anciennement lui vint, selon ce que j’ai ouï recorder les anciens ; et aussi c’est une chose toute véritable, car on le trouve en escripst ès anciennes histoires et chroniques de Bretagne. »

Celle parole que le chevalier me dit me fit grand bien ; et lui dis adonc : « Ha ! doux sire, vous me ferez grand plaisir au recorder, et si le retiendrai de vous, ni jamais je ne l’oublierai ; car messire Bertran fut si vaillant homme que on le doit augmenter ce que on peut. » — « Il est vérité, dit le chevalier, et je le vous dirai. » Lors commença messire Guillaume d’Ancenis à faire son conte.

(T. ii, p. 602.)


« Or vous ai-je conté l’extrasse de messire Bertran du Glay-Aquin. » — « C’est vérité, sire, dis-je ; si vous en sais grand gré et jamais ne l’oublierai. » Atant vînmes-nous à la ville de Prilly.

Si j’eusse été à loisir autant avecques messire Guillaume d’Ancenis que je fus avecques messire Espaing du Lyon, quand je chevauchai de la cité de Pamiers jusques à Ortais en Béarn, ou que je fus avecques messire Jean Ferrant Percek, le chevalier de Portingal, il m’eût dit et conté plusieurs choses ; mais nennil, je n’y fus point longuement ; car tantôt après dîner, que nous eûmes chevauché ensemble deux lieues, nous vînmes sus un chemin croisé, la où il y avoit deux voies, dont l’une alloit à Tours en Touraine, où je tendois à aller, et l’autre à Mailly, où il vouloit aller : à ce chemin se défit notre compagnie. Il me donna congé et je le pris ; mais entre Prilly et notre département il m’avoit dit plusieurs choses, et par espécial de celles de Bretagne, et comment l’évêque de Langres, qui y fut envoyé au lieu de l’évêque de Bauvais qui mort étoit, et messire Jean de Vienne et messire Jean de Beuil, exploitèrent devers le duc, et la réponse que il leur fit, quand il les eut ouïs parler ; sur laquelle information du chevalier je me suis fondé et arrêté et ai escript ce qui s’en suit......

(T. ii, p. 603.)


1392. — Il se trouve à Paris au moment de l’attaque nocturne de Pierre de Craon entre le connétable Olivier de Clisson, le jour de la Fête-Dieu.

Je, auteur et proposeur de celle histoire, pour ces jours que le meschef avint sur le connétable de France, messire Olivier de Cliçon, j’étois à Paris. Si et dus par raison bien être informé selon l’enquête que je fis.

(T. iii, p. 147.)


1393

Pour ce temps et pour savoir le vérité de leurs traités (entre les Français et les Anglais à Lolinghen) ce que savoir on en pouvoit, je, Jean Froissart, auteur et proposeur de ce livre, fus en la bonne ville d’Abbeville, comme cil qui grand’connoissance avoit entre les seigneurs ; si en demandois à la fois à ceux qui aucune chose en dévoient savoir.

(T. iii, p. 186.)