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DE JEAN FROISSART.

Tout ensi que Desirs le me commande.
Et si m’est moult de nécessité grande
Toutefois, dame, que je le vous die
Pour alegier toute ma maladie ;
Car d’ensi vivre en painne et en debat,
Dont bonne amour me tourmente et debat,
Il n’est nuls coers qui porter le scevist,
Ne qui jà joie en celle vie evist.
Si le vous di, ma dame, à celle fin,
En suppliant d’enterin coer et fin,
Que la dolour que j’ai lonc temps gardée
Soit en pité de par vous regardée ;
Car bien est temps, mais qu’il vous plaise ensi,
Que recéus de vous soie à merci.
Non que le vaille ou que le doyés faire ;
De ce cuidier me voeil-je moult bien taire ;
Mès seulement pour ce que, sans sejour,
Pense mon coer tout dis et nuit et jour
À vous amer loyalment, com vos sers,
Et obéir. Dont, s’en ce riens dessers,
Les guerredons m’en soïent remeri ;
Car quant Desirs premiers mon coer féri,
Par la vertu de vostre grant beauté,
Depuis n’a heure, en yver n’en esté,
Que Doulc-Penser, qui porte les broquetes,
N’ait fait sonner en mon coer les clochetes
De divers chans et de diverses notes,
Les uns joieus, les aultres de rihotes,
Ensi se continuent et esbatent,
À ce que nuit et jour le coer me batent ;